ENTRETIEN AVEC ISABEL HÉRAULT
Architecte associée de Hérault Arnold Architectures
Comment définiriez-vous le balcon et son garde-corps ? Est-ce un élément ? Un ornement ? Un espace ?
C'est un peu tout cela à la fois. Pour nous, c'est avant tout le moyen d'aller à l'extérieur, c'est une évidence mais aussi une priorité. Dans le cas du programme multifonctionnel de Rennes, la résidence pour chercheurs se compose de studios standard de 18 mètres carrés pour une personne et de 22 mètres carrés pour deux personnes. Ce sont des espaces très comprimés, dans lesquels il faut tout intégrer. Dans ce cas-là, le balcon est une occasion de prolonger l'espace habitable.
De quelle manière l'édification de façades avec balcon change-t-elle la définition de la frontalité urbaine ?
Tout d'abord, cela instaure un lieu intermédiaire entre l'espace intime et l'espace public. De la même manière, tous les espaces traversés entre la rue et le logement sont primordiaux. Je peux citer le cas de « l'immeuble à vélos », un bâtiment que nous avons livré à Grenoble il y a une dizaine d'années, qui était branché au réseau de pistes cyclables qui se terminait devant la porte des appartements. L'image du bâtiment est donnée par ce système de coursives et de « boîtes à vélos » ; c'est un immeuble à balcons collectifs dont l'intimité est créée par la disposition des boîtes. Au niveau de la rue, il s'agit de générer des prolongements de celle-ci jusqu'à l'espace privé, dans le cas de la coursive c'est assez clair. Dans le cas du balcon, c'est différent car il est un espace privé projeté sur la rue ; un espace en plus que l'on peut doter de différents usages et qui tient aussi de l'ingrédient de l'habitat individuel au sein d'un collectif. C'est un territoire extérieur qui permet d'autres modes d'habiter. C'est ce que nous recherchons : trouver une certaine liberté dans les modes d'habiter la ville.
Dessiner une façade avec et sans balcon, est-ce la même problématique ?
Le dessin est très lié à l'usage, soit il y a un besoin, soit pas. Par exemple, à la Belle Électrique qui est une salle de concerts, les balcons sont des fumoirs en prolongement du lounge, ce sont des volumes en porte-à-faux qui qualifient l'architecture par des éléments intermédiaires - nous explorons en ce moment les différentes manières d'imaginer ces espaces d'entre-deux. En ce qui concerne le logement, les contraintes d'aujourd'hui font que le balcon est un des derniers espaces de liberté, pour les architectes et pour les habitants. Son importance est aussi liée à une prise de conscience grandissante de la nécessité d'une relation à l'air, au soleil, aux saisons… qui est un vrai changement de paradigme dans la manière d'aborder les modes d'habiter.
Il est rare de voir une résidence universitaire avec balcon ; était-ce prévu dès le départ ?
Non ce n'était pas prévu, c'est nous qui avons proposé des espaces extérieurs. Les balcons ont tous la même forme mais leur orientation varie, et au nord la façade est entièrement composée de jardins d'hiver, certains liés à des studios et d'autres collectifs. L'idée part d'abord de l'intérieur avec l'objectif de prolonger le sol intérieur des chambres sur le balcon, au même niveau et avec le même aspect.
Pour la Cité internationale Paul Ricœur, les balcons s'élancent de biais par rapport au plan de la façade, dans quel but ?
L'idée était de générer une ligne fuyante qui accentue l'effet perspectif de l'intérieur vers l'extérieur, et semble ainsi agrandir l'espace, changeant complètement la perception de la chambre. Effet auquel participe aussi la nature du garde-corps qui comprend un côté opaque protecteur pour éviter une sensation de danger sur le balcon et réduire l'impression de flotter dans le vide. Et même si l'on ne s'en sert pas, l'espace est là, et il permet de garder la porte fenêtre coulissante ouverte.
Quel processus ou quel objectif ont conduit au caractère hérissé de cette façade ? Elle semble sur la défensive, était-ce voulu ?
Non ce n'était pas un objectif, il était plutôt question d'un clin d'œil aux images noir et blanc des façades du Bauhaus, composées de petits balcons très réguliers. Ici c'en est une version plus aléatoire. Un contraste se crée entre les façades en fonction des orientations ; la Cité Internationale est un bâtiment bioclimatique à énergie zéro pour lequel nous avons beaucoup travaillé les espaces tampons. Les jardins d'hiver au nord qui isolent, un espace de solarisation au sud, en simple vitrage qui permet de capter les rayons solaires, et des façades est et ouest habillées d'aiguilles verticales provoquant des jeux d'ombres. C'est toute une écriture en fonction de l'orientation.
N'est-ce pas aussi une question d'échelle de la façade ?
Oui, bien sûr. Nous avons placé les espaces domestiques en hauteur car nous voulions que se soient eux qui de loin donnent l'image et l'identité du bâtiment. Le balcon donne donc effectivement cette échelle de l'espace habité.
Quel mode constructif a été choisi pour cette mise en œuvre ? Comment a-t-il été défini ?
La structure est composée d'un cadre en acier noyé dans une plaque de béton, en logique avec la structure métallique primaire du bâtiment. L'ensemble est préfabriqué sur le chantier puis fixé sur une platine en attente, ancrée dans la dalle béton. Les porte-à-faux de 2 mètres 30 sont assez importants aussi donc le métal permettait de répondre à cette contrainte avec la juste matière.
⇒ Article paru dans exé 33 : structure béton
FICHE TECHNIQUE
♦ LOCALISATION Rennes (35), France
♦ ARCHITECTE Hérault Arnod Architectures
♦ MAÎTRE D'OUVRAGE Rennes Métropole pour la Ville de Rennes, Université Bretagne-Loire et le Crous
♦ PROGRAMME Construction d'un bâtiment mixte : résidence pour chercheurs étrangers, bureaux, centre sportif et restaurant universitaire
♦ BUREAUX D'ÉTUDES BMF (économie), Batiserf (structure), Inex (fluides), Artelia (restauration)
♦ LIVRAISON Mars 2016