Rédigé par Jean-François Pousse | Publié le 15/04/2014
Autour de la gare RER du Bourget, le tissu urbain flotte, fait de coups partis, d’initiatives et d’histoires inachevées. S’enchaînent vastes nappes de bâtiments industriels, pavillonnaire modeste tranché par l’habitat des Trente Glorieuses, logements ou bureaux récents et néo (pierre agrafée, enduit beige et verre fumé), le tout entrecoupé de grands axes routiers et de voies SNCF.
À ce contexte chahuté, l’école toute proche ajoute une nouvelle pièce. Partie d’une étude de recomposition du quartier proposée par les architectes, elle appuie les grandes directions du paysage, en amorce de nouvelles, reprend la forme en zigzag de sa parcelle, et joue de son étirement pour se développer sur deux niveaux seulement. Sur son côté nord, le bâtiment ne laisse pas deviner grand-chose de ce qu’il abrite malgré ses nombreuses fenêtres. Caparaçonné de panneaux d’aluminium gris mat satiné, il a la tenue sérieuse d’un bâtiment public, mais refermé sur lui-même, protecteur. À part le rire et les cris des enfants, même face à l’entrée très sécurisée par des grilles voilées de tôles perforées, il n’est pas certain qu’on en devine la fonction. Passé ces barrières, bien visibles du bureau du gardien en vigie à main gauche, l’atmosphère change soudain, l’austérité fait place à la générosité. Pour la composition générale de l’élévation, comme souvent dans leur production, les architectes ont travaillé sur la superposition et la friction de masses obliques. Leurs pentes successives désignent un point central bas, cœur virtuel de l’ouvrage (le préau), et dessinent de part et d’autre une figure en V, enveloppante et rassurante. Au-dessus, à l’étage, une immense fenêtre (plus de 50 mètres), en losange très étiré, fait un grand œil ouvert plein sud. Ces figures en longueur, inclinées, effilées, par leur échelle auraient pu paraître écrasantes, donner des impressions de tension, de dureté. Il n’en est rien. Ensemble, si elles créent une dynamique qui traverse l’école, leur force est pondérée, apprivoisée par la vigoureuse présence de la structure et l’habile dessin du plan et de la coupe.
Toute l’ossature, charpente comprise, est en bois lamellé-collé, laissé nu. Ce magnifique Meccano de poteaux poutres de couleur paille mêle calcul et liberté, apporte au bâtiment la douceur de ses teintes, en segmente la monumentalité par sa trame verticale (entraxe de 1,50 mètres). Pour les enfants, c’est un livre ouvert et pédagogique. Il leur montre sa mathématique, son rythme, comment il est pensé et composé, comment il tient, s’ancre au sol (un radier de béton), s’articule par des pièces d’acier galvanisé, franchit le vide ; il leur montre comment il définit un espace, un volume, un lieu qui les abrite et les protège. Que visiblement maîtresses, maîtres et enfants se sont approprié, au vu des norias de dessins, guillochis et guirlandes qui y sont suspendus.
Même clarté pour l’organisation de l’école. Elle se partage en trois bandes parallèles de hauteurs variables. Au nord, deux étages sont dédiés aux classes et aux services. Au sud, mêmes principes et fonctions, sauf que la coupe est plus complexe. D’abord développée à l’est sur deux niveaux, cette partie de l’édifice couverte d’une toiture végétalisée s’abaisse vers l’entrée. Au rez-de-chaussée, le couloir central longitudinal s’articule sur le préau. À l’étage, il le surplombe d’abord en mezzanine avant de s’en aller desservir les classes. Le mot de couloir est faible. C’est une rue intérieure de près de 100 mètres de longueur, de largeur et hauteur variables (de 1,50 à 2,80 mètres et de 3,00 à 8,00 mètres), scandée par son plan en ligne brisée. Évidemment, les enfants sont tentés d’y sauter à cloche-pied, tant il invite à la promenade en sympathie avec la dynamique de l’édifice. D’autant qu’il est éclairé à giorno par la grande fenêtre ouverte au sud, dont la lumière, par des impostes, va jusqu’aux salles de classes côté nord.
Très simple, le choix des couleurs appuie le repérage des circulations. Si le BA13 est peint en blanc, chaque porte a sa teinte (rouge, orange, vert, etc) que l’on retrouve au mur et au sol (revêtements souple ou coulé) qui lui font face, le tout en harmonie avec le blond de la structure et le clair des plafonds en bacs acier perforés à l’affaiblissement acoustique efficace. Lisibilité encore, avec les toitures végétalisées. Bien visibles à l’étage et de l’extérieur, elles servent à l’enseignement des enfants qui découvrent leur rôle économe et discret d’isolant thermique et phonique, leur capacité d’absorption et de rétention des eaux de pluie.
Enfin, le nom de Louis Blériot donné à l’école n’est pas anodin. La commune compte déjà la maternelle Saint-Exupéry, le groupe scolaire Jean Mermoz et le collège Didier Daurat. N’est pas Le Bourget qui veut, avec son aéroport conçu par l’architecte Georges Labro pour l’Exposition internationale de 1937, le plus grand de France jusqu’à la construction d’Orly, ses personnages de légende comme Nungesser et Coli, son musée de l’Air et de l’Espace, etc. L’hommage va donc à l’histoire de la ville, mais aussi à Blériot, pionnier de l’aviation qui n’aimait rien tant, dès le début du XXe siècle, qu’inventer des avions, les fabriquer de ses propres mains, avec le matériau colonne vertébrale de l’école : le bois.