Rédigé par Jean-Philippe Hugron | Publié le 08/04/2020
Paris et les opportunités laissées par le vandalisme immobilier. Dans une rue du 9e arrondissement, en marge du quartier central des affaires - alias QCA, pour les businessmen pressés -, un immeuble de bureaux a été érigé dans les années 80 en lieu et place d'un hôtel particulier datant du Second Empire. L'opération s'est déroulée sous la bénédiction des services de la Ville, et plus encore d'un Architecte des Bâtiments de France, qui n'a exigé, en monnaie d'échange, que la seule restitution de la façade ancienne sur le large pignon aveugle, côté cour, mais à la manière d'un moulage. « La mémoire récente de Paris est parfois surréaliste », affirme Aldric Beckmann. Ceci étant écrit, la construction tertiaire n'était pas de mauvaise facture ; « plutôt modeste, sans aucune particularité, elle s'intégrait parfaitement à la rue », résume l'architecte. La rationalité de la structure était de surcroît appréciable. Elle devait rendre plus aisée encore la transformation de l'ensemble en hôtel puisqu'un tel programme requiert, autant qu'un immeuble de bureaux, rigueur et répétitivité. « Nous héritions également d'un parking de deux niveaux en sous-sol et d'une large cour minérale. Nous voulions, à partir de ces éléments, proposer, au-delà d'un outil de travail, une adresse, un havre de paix, une curiosité parisienne . »
Après une première visite, la mémoire retient ces quelques qualités, que l'imagination saisit aussitôt pour esquisser les contours d'une piscine souterraine et d'un grand jardin, avec, en point de mire, une petite « folie ». « Pousser une porte à Paris signifie trouver des écuries, un hôtel particulier, une fontaine… Nous voulions cette précaution pour renforcer la personnalité de l'établissement », précise l'architecte. Côté cour, le regard devine une belle profondeur. L'analyse des plans, puis la consultation des services d'urbanisme, montrent qu'à cet endroit, une belle constructibilité - que tout un chacun semblait ignorer - était offerte. « Le projet pouvait passer de 40 à 45 chambres », se félicite Aldric Beckmann, qui, à cette faveur, trouvait davantage le moyen de créer cette surprise architecturale tant espérée. « l fallait à cet endroit un bâtiment mystérieux, casser l'idée d'échelle mais aussi trouver, par la mise en œuvre d'une matière originale, une façon d'accompagner le jardin et de donner corps à une expérience immersive », dit-il.
« LA TRANSFORMATION DE L'ENSEMBLE EN HÔTEL PUISQU'UN TEL PROGRAMME REQUIERT, AUTANT QU'UN IMMEUBLE DE BUREAUX, RIGUEUR ET RÉPÉTITIVITÉ. »
L'exercice sonne alors comme un « jeu » entre les règles du PLU, les surfaces, le rapport entre les deux bâtiments et l'idée « d'une folie sans âge ni ornement ». « Nous souhaitions que la végétation y pousse comme dans les fissures d'un marbre, que la matière s'enrichisse pour former un jardin vertical », explique-t-il. D'une opération à l'autre, l'agence décide de poursuivre ses réflexions sur le béton projeté. « Nous l'avions mis en œuvre sur les façades de la bibliothèque universitaire de Marne-la-Vallée. Il permet de modeler des effets, de sculpter des profondeurs. Nous avions engagé ces recherches alors que nous planchions sur le projet de rénovation du zoo de Vincennes, où il nous fallait, entre autres, réaliser de faux rochers », raconte-t-il. Consultés à cette occasion, les Ateliers Artistiques du Béton (AAB) ont été force de propositions. « Ils sculptent, creusent, frappent, patinent, donnent une rugosité pour générer un aspect original », s'enthousiasme encore Aldric Beckmann, qui, dans les solutions avancées, a trouvé l'opportunité d'« être dans l'allégorie du végétal sans verser dans le mimétisme ».
Techniquement, la nouvelle construction de neuf chambres est en métal ; les difficultés d'accès ont dicté ce choix. L'intégralité a été recouverte de bacs acier sur lesquels du béton a été coulé. Une structure secondaire a ensuite été imaginée, avec un isolant, un pare-pluie, un pare-vapeur et, par-dessus, un grillage sur lequel du béton a été, cette fois-ci, projeté. Cette dernière couche oscille entre 7 et 10 centimètres d'épaisseur pour que les sculpteurs des AAB creusent et travaillent cette matière, dont la prise est rapide.
Cette aspérité singulière, autant d'ailleurs que les légers décalages entre chaque niveau, sont prétexte, aux yeux de l'architecte, à éviter « un bâtiment lisse qui ne serait que le reflet d'une capacité volumétrique ». En outre, les passerelles reliant les deux bâtiments sont une astuce pour rendre le tout conforme aux normes ERP. C'était aussi un moyen d'ajouter un semblant de « pittoresque » à cette composition puisqu'elles sont amenées, avec les années, à être couvertes de végétation.
La piscine, imaginée aux premières heures, a pris la place de la rampe de parking. Le deuxième sous-sol réunit, quant à lui, l'ensemble des locaux techniques ; la cinquième façade se trouve ainsi libérée de toute installation disgracieuse et le toit en zinc frise avec la plus pure tradition. L'ambition de l'hôtel est, après tout, de « jouir d'une expérience parisienne ». À cet effet, et pour plus de cohérence, les chambres ont été conçues et décorées par l'agence elle-même. « C'est bel et bien un autre métier, où les interlocuteurs sont différents : agenceurs, menuisiers, ébénistes. .. », reconnaît Aldric Beckmann. (...)
⇒ Retrouvez l'article complet avec plans, coupes et détails dans exé 39 : Hôtels disponible en version numérique sur la boutique en ligne !
FICHE TECHNIQUE
PROGRAMME Restructuration et extension d'un bâtiment de bureaux en hôtel 5 étoiles, avec 45 chambres, restaurant-bar à cocktails, piscine, salle de sport, salle de massage et hammam
LOCALISATION Paris (75), France
ANNÉE 2017
ARCHITECTE Agence Beckmann N'Thépé Aldric Beckmann et Françoise N'Thépé
ÉQUIPE Laura Ros (chef de projet), Christophe Crouau (architecte), Estelle Brandon, Martin Lefèvre, Guillaume Thomas, Ammara Voravong, Charles Costantini (perspectiviste)
MAÎTRISE D'OUVRAGE Privée
ASSISTANCE MAÎTRISE D'OUVRAGE Céline Boullenger
SURFACE DE PLANCHER 2 129 m² + cour intérieure
COÛT DES TRAVAUX 7 400 000 euros HT
LIVRAISON Octobre 2017
BUREAUX D'ÉTUDES ET CONSULTANTS
STRUCTURE EOC
ÉCONOMIE FMBI Conseils
FLUIDES Espace Ingénierie
SSI BTP Consultants
EXÉCUTION Robinson Architectes
SIGNALÉTIQUE Général Design
IDENTITÉ Naemes
CONSEIL ART ET DESIGN Clémande Burgevin-Blachman
ENTREPRISES
GÉNÉRALE Rabot Dutilleul
GROS ŒUVRE MAÇONNERIE AFB Bat
BÉTON SCULPTÉ Atelier Artistique du Béton
MENUISERIE EXTÉRIEURE Alumétal, Aluval et PKG
CHARPENTE MÉTALLIQUE Briand et Gérard et MF Structure
ESPACE VERT DCR
SOL EXTÉRIEUR Dalle Coffrage
AGENCEMENT MENUISERIE INTÉRIEURE Lazer Agencement et Emekci Savas
PLOMBERIE GK Sanitaire
ENDUIT PLÂTRERIE Signature Murale et Wuped
SAUNA HAMMAM Nordique France
SERRURERIE MIROITERIE SGS
SOL JIP Décor
CARRELAGE Ramires
PAPIER PEINT ET RIDEAU HSM2 Décoration
STORE Vertika
STAFF Cap'Bâtiment
FOURNISSEURS PRINCIPAUX
BÉTON BANCHÉ Panbeton Concrete
BARDAGE BOIS DE RÉCUPÉRATION Oscar Ono
MOBILIER Cassina, JJW, Silva, The Conran Shop, Pietro Russo Design, Fleux
MOSAÏQUE Bisazza
PIERRE MURALE Signature Murale
PAPIER PEINT Nobilis, Incréation, Anewall
MOQUETTE ET TAPIS Ege Carpets, Nobilis, Limited Edition
SOL BOIS La Parqueterie Nouvelle
CHEMINÉE ET DALLAGE PIERRE Origines
LUMINAIRE Tom Dixon, Modular Lighting, Formagenda, Giopato & Coombes, Weber Lighting, Baulmann
INTERRUPTEUR Modelec et Jung
SANITAIRE THG, Catalano, Bette, Imperial, Worldstyle Design, JVD