Rédigé par Jean-Philippe Hugron | Publié le 30/07/2020
Une école maternelle comme un sous-vêtement féminin ? « Une façade doit avoir l'air d'être sophistiquée comme peut l'être la lingerie d'une femme ; ne pas la voir mais savoir qu'elle est là, éveille la curiosité », s'amuse Petr Stolín. L'architecte tchèque aime à travailler depuis quelque temps le thème de la transparence. « C'est devenu une obsession. Nous recherchons sans cesse des produits industriels, des couleurs, des textures… mais, par-dessus tout, nous désirons tout ce qui n'a pas l'air d'être neuf, d'être trop parfait. L'élégance de la patine nous séduit en effet autrement plus. Tout bâtiment doit, à nos yeux, donner l'impression d'avoir déjà vécu pendant un certain temps », dit-il. Alors, « misérablement chic », la nouvelle école de Liberec ? À n'en point douter.
Ses façades témoignent logiquement d'un savant bricolage que magnifie un curieux effet de translucidité. « Notre credo est d'utiliser des matériaux disponibles et peu coûteux », résume l'architecte. Ce réflexe révèle un idéal de simplification et, peut-être même, de minimisation. « Nous apprécions utiliser les fonctions originelles d'un matériau en plus de le laisser dans sa forme primaire », affirme Petr Stolín. Pour lui et son agence, il s'agit de « pousser l'architecture au bord de la simplicité » y compris dans son expression. « Il est plus que jamais nécessaire de sélectionner uniquement les éléments de premier ordre », répète-t-il à l'envi. Dans ces circonstances, l'homme de l'art prend même volontiers le risque de la pénibilité voire de la banalité. Bâtir est un labeur.
L'école de Liberec détonne pourtant dans son paysage ; singulière, elle contraste dans un environnement plutôt rural fait de petites maisons isolées, chacune au milieu de son jardin. L'édifice imaginé par l'architecte est cependant à peine visible depuis la route pittoresque qui serpente depuis la ville jusque dans la vallée. Caché à l'arrière d'une autre école couverte de vignes vierges, le nouvel équipement présente une volumétrie à la fois simple et radicale, qui l'émancipe des constructions traditionnelles des environs. Pensé comme la combinaison de plusieurs « masses rectangulaires de proportions différentes », de « terrasses extérieures continues » et d'un revêtement « non conventionnel », le bâtiment a d'abord été dessiné pour être entièrement introverti. Et pour cause, le site et ses caractéristiques semblaient imposer cette dure logique. D'abord, le versant nord de la colline était aux yeux de l'architecte une mauvaise exposition. Au sud, l'ombre de l'école voisine pesait trop lourdement sur le nouvel ensemble pour penser l'ouvrir généreusement de ce côté. Enfin, le parking de l'établissement scolaire à l'entour n'est pas la vue la plus réjouissante non plus. Alors, ce projet a été pensé comme une lutte contre l'indésirable. Pour s'en protéger, Petr Stolín a imaginé une façade aux allures de clôture. « Cet élément architectural original permet non seulement de réaliser des circulations sur le périmètre de l'ensemble, mais aussi de protéger ses occupants contre l'intrusion de personnes étrangères à l'école. Dans cet espace intermédiaire, un respirium, chacun peut se déplacer dans l'ensemble du bâtiment mais aussi entre les différentes terrasses de haut en bas », souligne-t-il. Une structure en acier galvanisé - elle-même fixée à la structure porteuse du bâtiment au moyen de traverses en acier -porte des tôles en fibre de verre. La muraille est ainsi translucide ; elle forme, quand les enfants y circulent, un délicieux rempart d'ombres chinoises et de silhouettes « bambinesques ».
« DANS CES CIRCONSTANCES, L'HOMME DE L'ART PREND MÊME VOLONTIERS LE RISQUE DE L A PÉNIBILITÉ VOIRE DE L A BANALITÉ. BÂTIR EST UN LABEUR. »
Des plaques transparentes identiques ont été posées à même la façade sur des tasseaux de mélèze fixés, quant à eux, directement sur la maçonnerie (par ailleurs couverte à l'extérieur d'un enduit monocouche à base de chaux et de ciment). Cette solution n'est pas sans rappeler une autre réalisation emblématique de l'agence : ses propres locaux à Liberec, remarqués lors de la précédente édition des prix Mies van der Rohe. Ces derniers sont marqués par de grandes ouvertures que Petr Stolín a également ménagées au sein de l'école. « Ce bâtiment n'est pas un simple espace rectangulaire mais une structure visuellement liée à l'extérieur par de grandes fenêtres », dit-il. Escaliers et couloirs ont aussi, pour point de mire, des percements plein ciel. Ces perspectives « vers le soleil » ont, pour l'architecte, une vocation pédagogique comme l'ensemble même de l'établissement. « Nous avions l'intention d'enseigner aux enfants, à travers ce bâtiment, une perception de l'architecture et de l'espace sous toutes ses formes, affirme-t-il. Dès l'entrée, tous peuvent commencer à s'orienter. À mesure de la journée, ils découvrent d'autres recoins mais aussi des possibilités de mouvement offerts par cette construction. » Au-delà, il est même possible d'apprendre de cet éloge de la simplicité et de l'efficacité qu'est l'école de Liberec, le goût utile de la frugalité et de la parcimonie.
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FICHE TECHNIQUE
LOCALISATION Vratislavice nad Nisou, Liberec, République tchèque
ANNÉE 2018
ARCHITECTE Petr Stolín Architekt - Petr Stolín et Alena Miˇe c ková
MAÎTRISE D'OUVRAGE Ville de Liberec
PROGRAMME Construction d'une école maternelle
SURFACE DE PLANCHER 915 m ²
COÛT 1,54 millions d'euros TTC
LIVRAISON 2018
ENTREPRISE PRINCIPALE
GÉNÉRALE Brex
FOURNISSEURS PRINCIPAUX
TERRASSE BOIS Siberian Larch
BARDAGE FIBRE DE VERRE Sintostamp
PARPAING TERRE CUITE ISOLÉ Wienerberger
CARRELAGE Rako
SOL SOUPLE Forbo
MUR PLAFOND Knauf