Heudebouville. La Seine sinue à deux pas de là. L’A13, qui traverse la commune, entraîne l’installation de plateformes logistiques, une source d’emplois qui attire de nombreuses familles. 90 sont attendues d’ici peu, une augmentation considérable du nombre d’habitants pour ce village qui ne compte pour l’heure que quelque 800 âmes. Avec un budget boosté par la taxe foncière des entreprises, la commune a lancé en 2018 un concours pour la construction d’un groupe scolaire sur un terrain situé au coeur du village, à deux pas de l’ancienne école. Plutôt que de concevoir un équipement qui pourrait, d’ici quelques années, s’avérer sous-dimensionné, la ville anticipe et demande plus de classes que nécessaire. La jeune agence lauréate, HEMAA, a répondu à ce cahier des charges en organisant la construction (systèmes de sécurité incendie, centrale de traitement de l’air…) pour que des classes puissent être ajoutées d’ici une dizaine d’années. En l’état, salles de classe de maternelle et de primaire, restaurant scolaire, bureaux et préau occupent chacun une « maisonnée », une longère inspirée des granges et maisons du village.
La municipalité ayant de fortes exigences en ce qui concerne l’écologie sociale mais aussi environnementale, elle demandait « que la construction atteigne un niveau E3C2 qui, s’il est devenu aujourd’hui la règle, ne l’était pas au moment de la commande en 2018 », se souvient Pierre Martin-Saint-Étienne, fondateur avec Charles Hesters d’HEMAA Architectes. « Le cahier des charges du concours est revu à la lumière du site avant même les premières esquisses », détaillent-ils. C’est pourquoi ce bâtiment, qui ne consomme quasiment pas d’énergie et dont l’impact carbone de la construction est extrêmement faible, s’appuie avant tout sur le respect du terrain légèrement en pente sur lequel l’école prend place et sur le recours à des matériaux biosourcés tels que le bois et l’ardoise. Certains, comme le béton qui n’est utilisé ici que pour les fondations ou encore le métal, sont quasiment proscrits. Le choix d’un système unique de portiques en bois inscrit quant à lui le projet dans un temps long : chacune des maisonnées qui composent l’école est un bâtiment indépendant qui peut être étendu au besoin. Par ailleurs, toutes les cloisons peuvent être supprimées, laissant la possibilité d’adapter les espaces aux activités. Qui sait ce que seront, dans l’avenir, les modalités d’enseignement ?

« On avait envie de réinterpréter les codes de l’architecture normande avec le bois des colombages et l’ardoise des toitures. » La situation en coeur de village, à deux pas de l’église et de la mairie, a défini le recours à ces deux matériaux. Les demi-portiques en L préfabriqués en usine et assemblés sur place à leur faîtage sont réalisés en pin Douglas provenant du Sud-Ouest de la France, tout comme les autres éléments de façades tels les brise-soleil occultant les regards depuis l’espace public. Signe des temps, pour l’habillage intérieur, du fait de la pénurie de matériaux, le mélèze prévu a été remplacé par de l’épicéa. Conséquence de la désindustrialisation de l’Hexagone et compte tenu du volume important requis par le projet, l’ardoise provient du Nord de l’Espagne. Ce matériau « qui permet de transformer la pierre en toiture » et qui ne demande aucun entretien est mis en oeuvre suivant deux systèmes d’accroche. En toiture, il reste classique avec une pose en chevauchements. En façade, pour éviter tout accident, les pièces sont fixées avec des vis invisibles.
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© HEMAA Architectes
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« Comment est-ce que l’on imagine la plus grande construction du village sans pour autant l’imposer dans le paysage ? » HEMAA évite ce conflit d’échelle en tirant parti des contraintes du site et des exigences du niveau E3C2. Le pré à vaches d’origine accusant une légère pente vers le val de la Seine et le PLU imposant de ne pas creuser plus que 60 centimètres, les maîtres d’oeuvre ont divisé le bâtiment en cinq longères qui épousent la morphologie du terrain et suivent chacune une ligne de niveau. C’est pourquoi elles sont reliées par de légères rampes de circulation intérieures, seulement brisées au niveau de l’accueil par quelques marches. Le traitement des eaux pluviales tire aussi parti du respect de la topographie. Côté cour, à l’axe de chaque maisonnée, elles tombent dans les caniveaux qui deviennent eux-mêmes des noues végétales s’écoulant vers le fond du terrain dans un bassin d’infiltration. Cette partie du pré a été plantée de pommiers dans une visée pédagogique et comporte une zone laissée sauvage.

© HEMAA Architectes

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Structurellement, toutes les maisonnettes sont séparées. « Le système en portiques, par l’absence totale de point porteur intermédiaire, permet une évolution future et une modularité complète des locaux. Les façades et la toiture sont constituées de modules préassemblés hors site, associant étanchéité air/eau, isolant et structure », détaille HEMAA. Livrés sur site en forme de L, les portiques sont assemblés « inversés », de sorte que les fixations situées au niveau des angles soient invisibles. C’est à leur pied, près du sol, que les vis sont apparentes. Les caissonsde 5 mètres par 2, qui reposent sur les portiques et en assurent le contreventement, ont étédéveloppés en 3D avec le charpentier et ont permis de maîtriser les délais de chantier, étant construits progressivement, maisonnée par maisonnée. La taille de ces portiques, et donc le volume de chaque longère, varie suivant le programme qu’il contient.

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© HEMAA Architectes
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