Typiquement anglaise avec ses grappes de bâtiments datant du début du siècle dernier et dont les jeux de toitures rappellent le mouvement Arts & Crafts, l’école Alfriston est implantée dans un site naturel exceptionnel à 40 kilomètres de Londres, en bordure de la petite ville de Beaconsfield. Cette dernière est bordée par un vrai morceau de campagne protégée, comme il en existe maintenant rarement en France, touchée par l’ère de la « rurbanisation ». De leur côté les Britanniques, dès les années cinquante, ont institué la création d’une zone non ædificanti, la ceinture métropolitaine verte, visant à lutter contre l’étalement urbain. Les architectes Mary Duggan et Joe Morris ont su pleinement exploiter ce potentiel, autant concernant l’intégration formelle de la piscine dans le paysage que du point de vue panoramique, que cette dernière propose aux nageurs, plongés à la fois dans l’eau… et la verdure.
Invités en 2008 à participer à un concours sous forme d’entretien, la jeune agence Duggan et Morris (elle n’avait alors que quatre années d’existence) devait proposer des idées pour la restructuration du gymnase dans un ancien édifice et la construction d’une piscine adjacente, remplaçant un bassin de plein air totalement décrépi. Deux années plus tard, l’extension du gymnase était réalisée. Elle comprend de nouveaux vestiaires ainsi qu’une entrée commune aux deux équipements sportifs. En 2013, après une longue recherche de financement, était lancée la construction du bassin pour lequel les architectes avaient comme mission première de mettre au point un espace de nage sans réverbération sonore. Cette école publique pour filles âgées de 11 à 18 ans accueille 120 élèves dont la plupart sont atteintes de légers handicaps. Un espace complexe et bruyant aurait été perturbant, notamment pour les enfants atteintes de troubles tels que l’autisme.
Les architectes ont alors opté pour une innovante structure en bois préfabriquée semblant flotter sur la piscine, montrant à nouveau combien ce mode de construction s’est aujourd’hui bien éloigné de la répétition de standards sans qualité. Cette couverture, fabriquée en trois mois dans une entreprise, est faite de la reproduction de trois modules identiques, chacun d’entre eux étant lui-même constitué d’un assemblage volumétrique de quatre fermes triangulées.
Les dimensions de ces éléments, 15 mètres de longueur pour 5,2 mètres de hauteur, ont été déterminées par des contraintes de transport routier. De leur réunion résulte une succession de travées saillantes ou en creux, formant un plissé, qui dans le même esprit qu’une salle de concerts empêchent la réverbération du son. Autoportante, la nappe posée sur 16 potelets porteurs métalliques, placés en périphérie du volume, permet de couvrir un bassin de 17 × 8,5 mètres. Les fermes en sapin lamellé-collé sont constituées d’un cadre principal et de membranes secondaires qui les raidissent, et sur lesquelles sont fixés des panneaux de bois doublés d’une isolation thermique puis équipés d’un pare-pluie. Un assemblage in situ était alors possible, à l’aide d’une simple grue et en seulement quatre semaines. Les panneaux étaient prêts à recevoir le voligeage de toiture extérieure, tandis qu’à l’intérieur, ils avaient déjà reçu une couche de vernis blanc protecteur contre l’humidité.
La gageure étant de rendre invisible le système d’assemblage, les platines et boulons métalliques ont été intégrés dans l’épaisseur du bois dont la découpe nécessitait une précision fine et l’assistance de machines numériques. D’autres détails cachés participent de l’originalité de l’ensemble. Ainsi du bassin formant la base de l’équipement et qui se présente comme un bloc compact en béton brut plus ou moins enterré dans le sol afin de régler les différentes pentes du terrain. Son profil légèrement édenté rappelle lui aussi l’idée du pliage. Entre ce podium et la toiture, une ceinture vitrée cadre les trois façades libres de la piscine, sa partie basse correspondant au niveau de l’eau. Ainsi existe-t-il une habile continuité entre la base du vitrage, le sol et le bassin, sans aucun débord, notamment grâce à l’installation d’une rainure périphérique de récupération de l’eau. Le reste de l’équipement est dans le même esprit rigoureux, avec des ouvertures au nu des murs de parpaings bruts pour les vestiaires, traités dans des tonalités noires et blanches.
Avec la restructuration du gymnase et la reconstruction de la piscine, l’école Alfriston affirme pleinement son statut d’institution spécialisée dans le sport. L’équipement en est devenu le symbole, d’autant plus qu’il est en adéquation parfaite avec sa fonctionnalité : en lévitation sur son socle, il semble d’une grande simplicité, telle une performance sportive complexe qui paraît exécutée avec la plus grande facilité.