Le centre de protection et d’information environnemental d’Oostvaarders se trouve à Almere, ville nouvelle à l’urbanisme implacable, au cœur du parc naturel du même nom : un polder créé en 1968 au centre des Pays-Bas – toponyme à l’image de cette nation dont un quart du territoire est situé au niveau de la mer, voire en-dessous. Face à un site aussi plat que l’image que l’on se fait de la région, Drost + van Veen architects ont préféré s’affirmer respectueusement que s’effacer grâce avec un bâtiment signal couleur bourdon – noir dehors, jaune dedans. En réponse au terrain, bordé par une ancienne digue séparant zones sèche et humide, les architectes proposent un édifice bipolaire dessiné en hommage à chacun de ces deux milieux. Côté plaine, au sud-ouest, le frontispice, tout en verticalité, est un appel visuel pour le visiteur venu de la terre ferme ; tandis qu’au nord-est, une longue faille horizontale en porte-à-faux – jusqu’à 7 mètres – surplombe le marécage qui se transforme en entendue gelée l’hiver venu. Mais l’orthogonalité cesse ici pour laisser place à l’oblique, avec un plan triangulaire qui cadre et met en scène l’étendue lacustre. Ce trigone à l’extrémité coupée se compose de quatre voiles porteurs dont trois sont orientés tels les rayons d’un cercle imaginaire ayant pour centre cette pointe fictive. À l’intérieur, ces lignes dynamiques ménagent trois failles parcourent de part en part la construction. Une d’entre elles est intégralement occupée par le restaurant du rez-de-chaussée. Ce lieu traversant est un lien entre l’entrée de l’édifice et le ponton installé à l’angle de la réserve et du canal Kottertocht ; un trait d’union poétique entre terre et eau. Une fois poussées les portes, le spectateur est intuitivement guidé vers les escaliers qui lui font face puis mené à l’étage, centre du projet, où se trouvent une salle de conférence, un espace d’information et d’expositions, un auditorium et surtout une pièce panoramique dédiée à l’observation de la nature et des oiseaux. Un centre dynamique et vivant qui détone au milieu de ce paisible site. Il n’est pourtant pas incompatible avec sa mission contemplative. Le public en prend ici plein les yeux : aussi bien avec le paysage, que les formes et les couleurs du bâti.
En plus du soin apporté au plan, Simone Drost et Evelien van Veen n’ont pas oublié le travail en coupe et en élévation ; une démarche aussi complète qu’aboutie qui ajoute du volume à un site qui est dénué de toute originalité topographique. Les façades nord-est et sud-ouest s’inclinent ainsi vers le sol, tandis que la toiture se ploie vers le marais. Une révérence faite au lieu. Serpentant d’un niveau à l’autre, ce jeu d’obliques s’achève sur le toit où un observatoire abrité, dit « nid de corbeau », s’est posé. Une discrète faille jaune bardée de lattes verticales, telles une languette relevée vers l’horizon qui détonne avec la masse noire et scarifiée de la bâtisse. Celle-ci est recouverte de panneaux losanges composés de planches de bois, de trois sections différentes, inclinées à 45°, qui renforcent l’aspect instable de l’ensemble. Outre l’architecture en brique et les champs de tulipes, les pays nordiques ont une longue tradition de la construction en bois. Les maîtres d’œuvre du projet se sont donc inscrits dans cette lignée, non par élan patriotique mais parce que « c’est un choix davantage esthétique. Il fallait intégrer le centre à son contexte, livrent-ils. Le bois était la meilleure et la plus belle des solutions. » À l’ossature métallique initialement prévue, ils ont donc finalement préféré ce matériau, pour ses potentialités structurelles et sa grande souplesse d’utilisation. Ce dernier s’est adapté à l’esquisse de Drost + van Veen architects, pas l’inverse. Quatre voiles en contrecollé multiplis trament ainsi l’espace tandis qu’entre eux sont installés des planchers à caissons Kerto. Seules exceptions à la règle : le béton coulé in situ de la dalle du rez-de-chaussée et la base de la face sud-est qui retient les charges de terre de la digue. Une conception en amont très poussée, réalisée main dans la main avec les entreprises, pour un montage sur site rapide des panneaux préfabriqués Lenotec. Un avantage environnemental de par le bilan énergétique de la matière mais aussi de par la mise en œuvre qui limite le temps de chantier à 12 mois dans un site protégé. Une fois les fondations béton (longrines) coulées il n’y a donc plus qu’à fixer les murs aux lisses d’appui. Ceux-ci sont divisés en panneaux pour des raisons de transport mais aussi de stabilité, là où des voiles d’un seul tenant n’auraient pas résisté aux efforts de flexion. Les panneaux sont ensuite superposés les uns sur les autres par vissage, puis côte à côte par un système de feuillure visible en face interne, l’isolant en laine de roche étant extérieur. L’extrême résistance de ce procédé constructif, due à un croisement à 90° de planches en pin (de 6 à 9 plis ici), a permis d’installer un bâti à la fière allure en matériaux naturels. Un totem à l’image de la réserve dans laquelle il s’insère.