Chaque année à partir du mois d’avril, les portes du château de Chaumont-sur-Loire s’ouvrent en grand pour accueillir de nouvelles œuvres d’art. Après Sarkis et ses fantasmagoriques vitraux, c’est au tour du plasticien mexicain Gabriel Orozco d’investir les appartements abandonnés du prince et de la princesse de Broglie. Avec des araignées pour seules locataires, les élégantes pièces poussiéreuses, fermées depuis 1938, n’ont pas manqué d’exercer leur charme sur l’artiste. « Séduit par les blessures des murs, Gabriel Orozco a extrait des bribes des papiers peints déchirés, qu’il a ensuite agrandies à l’aide d’une machine à jet d’huile, métaphore contemporaine du métier à tisser, explique Chantal Colleu-Dumont, directrice du centre d’art et de nature. Il en ressort un véritable travail proustien, qui raconte les vies s’étant superposées dans ces appartements abandonnés, dont ne subsiste bizarrement plus aucune photographie… » En résulte une trentaine de clichés de fleurs fantastiques, dont les motifs surannés font écho aux chatoyantes plates-bandes du parc.
S’y promener, c’est y découvrir toujours plus de nouvelles installations, à l’image de ces milliers de ceps de vigne entrelacés en un grand demi-cercle par l’artiste russe Nicolay Polissky et posés à l’ombre d’un cèdre géant, ou comme le « chaos » rouillé imaginé par le sculpteur Vincent Barré, six éléments en fonte de fer découpant le paysage. En 2014, l’ouverture d’espaces supplémentaires, 500 mètres gagnés sur les communs, poussent également le visiteur à quitter le parc pour déambuler dans la fraîcheur des nouvelles galeries. Les arts virtuels s’y fraient un chemin avec succès : dans les sous-sols obscurs, les plantes de Miguel Chevalier, pionnier du numérique, se déploient de tous leurs pixels colorés. Dans ce surprenant jardin sur écran, les végétaux grandissent à vue d’œil… et se courbent brusquement, dès lors qu’un visiteur apparaît. À Chaumont, chassez le surnaturel, il revient au galop.