Le guignier est un cerisier qui donne des fruits rouge foncé. La rue éponyme tient sans doute de la préexistence de l’essence nommée. Toutefois, le terrain proposé par la Ville de Paris était quant à lui planté d’un marronnier à conserver. Ce que l’architecte David Devaux s’est efforcé de faire en contournant les branchages et en brisant la ligne de son projet, lors du concours. Hélas, le mauvais œil a frappé et, une fois l’édifice réalisé, l’arbre malade qui justifiait ces contorsions a été abattu comme tant d’autres à Paris.. Le vide laissé devrait retrouver une tonalité arborescente. Quand certains concurrents proposaient un baobab (!), David Devaux suggère, lui, en cohérence avec le lieu, un cerisier en fleur. À ce jour, la crèche se retrouvant orpheline de son tuteur, l’ondulation de la façade perd en cohérence, ainsi que de sa tempérance vis-à-vis de l’immeuble d’habitation qui lui fait face. Une servitude de passage est consacrée, réduisant encore la surface qu’un jardin récupère de l’autre côté de la parcelle en ponctionnant sur le terrain des logements voisins, pour y disposer une cour plein ciel protégée des regards.
Le programme accueillait à l’origine 40 berceaux, gonflés à 66, que l’architecte parvient à encastrer en superposant des plateaux mono-orientés en R+1 et R+2, et en enchaînant les espaces de jeux et de sommeil dans le corps principal. Il va ainsi chercher la lumière en rassemblant les services au rez-de-chaussée tandis que le logement de fonction est honoré par sa position sur le toit, accessible par un escalier autonome ainsi que par l’ascenseur, à double porte et commande contrôlée pour éviter que les enfants ne s’y glissent. Le retour de la figure en L à l’extrémité parachève l’implantation et fabrique des espaces traversants entre les deux jardins pour les grandes sections. Au dispositif originel qui consistait à parcourir une rampe extérieure – « promenade architecturale » –, douce coupure envisagée entre parents et enfants depuis la rue jusqu’à l’entrée de la crèche au premier étage, le personnel a finalement opté pour un accès dès le rez-de-chaussée, à côté du local à poussettes. Au risque de devoir prendre un escalier droit ou l’ascenseur pour hisser les enfants aux étages supérieurs. Subsistent la pente, désormais traitée en pavés parsemés de gazon, le bureau de la direction au fond de la parcelle et un rapport assez abrupt pour le contact initial des enfants avec leur premier « lieu de travail »… D’autant que, sécurité incendie oblige, l’escalier intérieur est désormais encloisonné, perdant communication visuelle et infiltration de lumière naturelle initialement déployées.
Surplombant l’espace extérieur pleine terre, les balcons filants s’inscrivent à distance respectable des habitations, 8 mètres de façade à façade, 6 mètres au garde-corps. Ces derniers intégralement vitrés, de 1,50 mètre de hauteur, autorisent les enfants à y prendre appui en toute sécurité pour plonger leur regard sur le jardin en attente. Ces galeries ouvertes sont recouvertes d’une gomme coulée délicate et souple sous les pieds des petits. Enfin, en alternance avec les grandes parois vitrées, des panneaux en métal perforé instaurent des dispositifs de free cooling et dissimulent les ouvrants.
Outre les dilatations des espaces d’éveil qu’elles suscitent, ces coursives procurent des surfaces de jeux supplémentaires, en plein air et à l’abri du soleil. Les rayons de ce dernier se répercutent sur la façade chaulée de l’immeuble faubourien d’en face pour renvoyer une lumière diffuse. De plus, étant donné que l’édifice est en appui au sud sur l’immeuble mitoyen, il faut jouer d’inventions pour capter cette lumière vive et en faire bénéficier la salle de motricité. Par le haut, ce sont des puits qui sont percés et diffractent le rayonnement. Malheureusement, les modules 60 x 60 centimètres imposés par l’entreprise rappellent les plafonds suspendus des espaces tertiaires, format contre lequel lutte l’architecte en déclinant ici un motif récurrent de pastilles rondes qui perforent son édifice. La paroi sud de la salle de motricité est émaillée de ces culs de bouteille, comme si l’artiste japonaise Yayoi Kuzama était passée par là. D’ailleurs, dès la façade sur rue, ce propos est clairement énoncé : le volume qui vient en avancée pour signifier l’événement de la crèche est clairsemé de ces disques de verre. Leur implantation suit l’armature métallique en losanges de ce volume en console et décline des lentilles soit traversantes, soit incluses, ou des creux dans le béton qui composent un ciel étoilé. Le mur de clôture du jardin bas reprend le même agencement avec quelques périscopes ouverts. L’agence visant la nature brute de décoffrage comme une douceur potentielle, le fini du béton est particulièrement bien maîtrisé et les « lucioles », comme les appelle David Devaux, qui y sont accrochées concèdent une image poétique. À défaut de la promenade initialement prévue, les enfants pourront dessiner ces points lumineux et fabriquer des histoires à conter à leurs parents.