En pleine mutation, le territoire autrefois mal aimé de Paris Nord-Est fait l'objet, depuis 2002, d'un ambitieux projet urbain mené par l'architecte-urbaniste François Leclercq et les paysagistes de l'agence Ter. À l'extrémité est de cette vaste réserve foncière, face à l'entrepôt MacDonald, le secteur Claude-Bernard de 14,6 hectares est aujourd'hui devenu un écoquartier vivant, désenclavé, caractérisé par une forte mixité sociale, fonctionnelle et programmatique. Afin d'accueillir les enfants que les nombreux logements ne manquent pas de faire venir dans ce quartier fraîchement achevé, l'agence Brenac&Gonzalez et associés s'est vu confier la réalisation d'un bâtiment comprenant une école maternelle et primaire de douze classes ainsi qu'une halte-garderie. Soit 4 432 mètres carrés encadrés par le canal Saint-Denis, le périphérique et le boulevard MacDonald : un site trapézoïdal empreint d'une forte dualité entre les nuisances et une poésie qu'il s'agissait de réinjecter dans le projet.
En réponse au contexte, l'édifice s'inscrit en L, associant un volume R+3 côté boulevard et un bâtiment-pont décollé du sol le long du canal pour laisser filer la vue. Parce qu'il fallait rassembler des enfants de 3 à 11 ans, les architectes ont opté pour une séparation claire des flux, afin de mieux répondre aux attentes et au fonctionnement des différentes tranches d'âge. Les salles de classe sont regroupées côté canal : les plus petits au premier étage, les plus grands au deuxième, avec vues, orientations et horizons différenciés. À chaque extrémité se trouvent les espaces partagés. Côté boulevard, le hall situé au rez-de-chaussée est l'échangeur de flux stratégique du bâtiment. Au cœur de la parcelle, deux cours de récréation et leurs préaux profitent de leur situation protégée de l'environnement extérieur.
Face à l'effervescence constructive de Paris Nord-Est qui génère parfois des écritures bavardes, Olivier Brenac et Xavier Gonzalez ont misé sur la sobriété, laquelle s'exprime par une monomatière, en l'occurrence un verre opalescent. Des façades parfaitement lisses, presque énigmatiques, qui entretiennent le doute quant à la vocation du bâtiment. Cette enveloppe abrite les différents éléments du programme sous la forme d'une double peau en verre dotée d'un vitrage ventilé, afin de préserver les utilisateurs des nuisances sonores et de la pollution. Pour rendre cette mise en œuvre proactive, la façade a fait l'objet d'un traitement par sérigraphie sur les deux faces. Le motif décline la figure du cercle inspirée des hublots des proches péniches, mais qui évoque également la maison de Jacques Tati. Les enfants profitent ainsi pleinement de la lumière naturelle tout en étant protégés du soleil. Selon le temps, cette enveloppe diaphane et très réactive au climat s'anime ou s'efface en fonction de la luminosité. Des jeux d'ombres, des motifs qui se reflètent au sol : la lumière est ici envisagée comme un matériau du projet à part entière. Le socle est quant à lui caractérisé par un béton clair qui établit un fort contraste avec l'évanescence de l'enveloppe.
« LES PLUS PETITS AU PREMIER ÉTAGE, LES PLUS GRANDS AU DEUXIÈME, AVEC VUES, ORIENTATIONS ET HORIZONS DIFFÉRENCIÉS. »
Rompant avec la douce unité procurée par l'usage du verre, les volumes intérieurs font la part belle à la couleur. Dans les classes, dans les couloirs, du rose, de l'orange, du jaune pour qualifier les différents espaces, créant un univers chromatique affirmé, support de repérage spatial pour les enfants et propice à développer leur imaginaire. Pièce maîtresse de l'organisation programmatique, le hall exalte les circulations verticales.
Bien entendu, l'escalier répond à sa vocation première de desservir l'ensemble des niveaux. Mais pas seulement. Plastique et sculpturale, sa forme est la conséquence des règles normatives, notamment celle qui exige la mise en place de garde-corps de 1,80 mètre de hauteur.
« Nous nous sommes demandé comment retourner ces contraintes en quelque chose de ludique, explique Xavier Gonzalez, avec l'idée de la trompe d'éléphant pour faire de cet escalier un récit, et de jouer avec la lumière, la couleur. Prendre l'escalier devient alors un jeu, un monde imaginaire. »
Pour éviter un effet tunnel potentiellement angoissant pour les enfants, les architectes ont tranché sa structure qui prend alors la forme d'anneaux en suspension, générant des vues latérales inattendues. Réalisés en panneaux stratifiés laqués, ils opposent deux couleurs : vert pomme et mat à l'extérieur, blanc et brillant à l'intérieur. Une couleur acidulée en clin d'œil aux années soixante-dix. Mais sous ses allures oniriques, cet escalier répond également aux exigences acoustiques grâce à la perforation des panneaux et à la laine de roche intégrée. Les contremarches sont en acier laqué tout comme la main courante et les limons. Les luminaires installés en partie haute et sous les marches participent de cette esthétique futuriste. Un escalier qui crée l'événement, tout en devenant un élément architectural aisément appropriable par les enfants.
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