Rédigé par Jean-Philippe Hugron | Publié le 07/05/2020
« Il y a dans le béton quelques chose de la pâtisserie. » Dominique Coulon réveille, chez qui l'écoute, le souvenir d'Antonin Carême (1784-1833).
Pour rappel, ce dernier fut un pâtissier hors pair qui régala, en son temps, les grandes cours d'Europe en considérant l'art culinaire comme une branche de l'architecture. La proposition a, aujourd'hui encore, de quoi faire sourire mais ses fantasques gâteaux, avec force coupoles et colonnades, firent l'objet de traités rigoureux. Deux siècles plus tard, l'alchimie du béton fait l'effet d'une cuisine savante. « C'est un mélange de composants que l'on coule dans un moule », reprend l'architecte. Dominique Coulon profile mieux encore la métaphore pour laisser entendre qu'il n'est pas un homme de la préfabrication. « Elle est illogique. Elle n'appartient pas à l'univers du béton. La préfabrication est un moyen efficace de gagner du temps or le béton exige du temps. Il y a, dans cette matière, quelque chose d'archaïque. J'aime sa mise en œuvre », dit-il. Il reprend alors à son compte un vocabulaire un tantinet suranné faisant du béton, « une pierre liquide ». « C'est aussi une masse qui acquiert une patine. Le béton s'enrichit avec les années, il s'éclaircit », explique-t-il. Pour l'homme de l'art, ce matériau est aussi « une histoire de négociation avec les outils de l'entreprise » : « je ne cherche jamais à avoir le béton le plus parfait ni à plaquer une image idéale. J'intègre les défauts de coulage en exigeant des entreprises qu'elles ne procèdent pas par ragréage », dit-il. De la sorte, Dominique Coulon préserve la « trace du travail », cette « lisibilité offerte sur la manière de faire ».
« Un bâtiment construit en béton est de l'ordre de l'aventure humaine », répète-t-il à l'envie.
Dans les Hauts-de-Seine, à Clamart, pour le gymnase de la ville, le béton est logiquement mis en œuvre tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, plus précisément dans le hall, les circulations et les vestiaires. Les équipements sportifs exposent en effet l'architecture à une rudesse dans les usages. Crampons rageurs, équipes survoltées et bambins sous adrénaline ne laissent rien passer ! « Il faut être solide », assure l'architecte qui laisse le matériau visible dans toute sa brutalité.
Pour autant, l’environnement pavillonnaire clamartois où de belles maisons en meulières émergent de jardins fleuris appelait une toute autre aspérité. Aussi, pour contrer la férocité du béton – choisi également pour résister à la pollution de l’air parisien –, Dominique Coulon a pris le parti de fragmenter la masse du projet. La frontalité est donc volontairement brisée et le programme fractionné : la salle de sport est positionnée en fond de parcelle, les logements de fonction sont « glissés » dans la continuité des maisons du quartier. L’architecte s’applique dès lors à dessiner une silhouette à même d’intégrer l’ensemble bâti à son contexte et plus encore à sculpter une forme pour offrir des terrasses et, plus encore, un confort d’usage en plus de magnifier prise de lumière et perspectives. « Nous avons également créé un pli qui permet de donner à la ville un espace public en plus de ménager des transparences sur le cœur d’îlot », précise-t-il. Le travail formel met en scène l’épaisseur du béton qui, en débord de larges baies vitrées, semble léviter. L’effet est souligné par quelques porte-à-faux créant des marquises opportunes à l’entrée de l’équipement.
Seule la salle s’émancipe, dans ce schéma, du béton. Dominique Coulon réalisait alors son premier équipement sportif avec, en tête, quelques références dont un gymnase de Livio Vacchini à Losone en Suisse, ou encore un gymnase de Sanaa à Onishi au Japon. L’un est caractérisé par sa rigueur monumentale, l’autre par sa légèreté. « Les salles de sports sont généralement décevantes tant en regard de leur acoustique que de leur lumière », affirme-t-il pour mieux valoriser encore ces deux exemples étrangers. L’architecte s’est alors évertué à imaginer une halle ouverte sur ses quatre côtés afin que la lumière y entre abondamment mais néanmoins filtrée par la translucidité d’un double parement en Reglit®. Pour sublimer l’image d’un toit qui flotte au-dessus du terrain de jeu, de minces poteaux peints en blancs ont été placés entre les deux parois de verre en prenant soin d’éviter toute structure aux angles. Cette légèreté contraste subtilement avec la brutalité des circulations et celle des vestiaires. Dominique Coulon tenait à cette différenciation qui, en plus d’être visuelle est aussi sonore. « Je suis favorable au saupoudrage des normes acoustiques. Tous les espaces d’un équipement – gymnase, théâtre ou conservatoire – ne doivent pas être traités de la même façon. Aussi, je suis attaché à réaliser, par endroit, des espaces sonores et réverbérants », souligne-t-il. Pour s’illustrer, l’architecte évoque le cas du Conservatoire de Musique, Danse et Théâtre Henri Dutilleux à Belfort, notamment son hall habillé de béton. « Il y a, à cet endroit, un effet cathédrale. Les flûtistes, par exemple, aiment y répéter pour profiter d’une sonorité que ne leur offrent pas leurs studios », évoque-t-il.
Presque deux ans plus tard, l’architecte livre sur ses terres alsaciennes, à Strasbourg, un second gymnase, plus vaste encore. Les deux projets partagent un air de famille singulier, troublant l’observateur qui croit deviner une étrange gémellité. « Nous avons travaillé une nouvelle fois la robustesse mais aussi la diversification des univers sonores », souligne-t-il, en allant vraisemblablement toujours plus loin dans la perfection.
⇒ Retrouvez l'ensemble des plans, coupes et élévations dans exé 33 : structure béton

FICHE TECHNIQUE
PROGRAMME Construction d'un gymnase avec logement de fonction et aire sportive extérieure
LOCALISATION Clamart (92), France
ANNÉE 2015
ARCHITECTE Dominique Coulon & associés
COLLABORATEURS David Romero-Uzeda, Olivier Poulat (chantier), Chang Zhang, Steve Letho Duclos, Olivier Nicollas (concours),
MAÎTRISE D'OUVRAGE Conseil départemental des Hauts-de-Seine, Pôle Bâtiments et Transports, Services des Travaux neufs et Réhabilitations
PROGRAMME Construction d'un gymnase avec logement de fonction et aire sportive extérieure
SURFACE NETTE 2 596 m²
COÛT DES TRAVAUX 7 400 000 euros HT
CONSULTATION Septembre 2010
ÉTUDES Septembre 2010 à octobre 2013
CHANTIER Octobre 2013 à décembre 2015
LIVRAISON 2015
BUREAUX D'ÉTUDES ET CONSULTANTS
STRUCTURE Batiserf
ACOUSTIQUE Euro sound project
FLUIDES ÉLECTRICTÉ SYSTÈME G. Jost
ÉCONOMIE E3 économie
PAYSAGE Bruno Kubler
ENTREPRISES
DÉSAMIANTAGE DÉMOLITION Colas
CLOS COUVERT AMÉNAGEMENT EXTÉRIEUR SNRB
ASCENSEUR SEC France Ascenseur
SERRURERIE RS2I Bâtiment
CLOISON PLAFOND MENUISERIE INTÉRIEURE BOIS SIGNALÉTIQUE MOBILIER NBA
CARRELAGE De Cock
SOL SOUPLE PEINTURE Artmaniac
CVC PLOMBERIE SERT
ÉQUIPEMENT SPORTIF Sport France
FOURNISSEURS PRINCIPAUX
CIMENT Lafarge
BANCHE Hussor
PALSIFIANT BASF
MINÉRALISANT Hydromineral
GRANULATS Carrières de la Vallée Heureuse