S'étirant des Pays-Bas jusqu'au Danemark, la zone côtière de la mer des Wadden abrite, sur plus de 500 kilomètres, un écosystème très riche. Entre eaux et airs, l'estran - ce site naturel façonné quotidiennement par les marées et battu par les vents - dessine un paysage où sable et boue se mélangent. Chaque année, il offre à plus d'une dizaine de millions d'oiseaux migrateurs une étape sur leur parcours entre Afrique et Eurasie. Sur cette terre d'échanges inscrite dans son intégralité depuis 2014 sur la Liste du patrimoine mondial de l'Unesco, un premier centre dédié à l'observation et à l'étude de la vie maritime et ornithologique ouvre ses portes en 1995, près de Ribe, au sud du Jutland. En 2013, un concours est lancé, visant à étendre sa surface de 400 à 2 800 mètres carrés et à rendre la muséographie plus didactique. De surcroît, l'architecture se devait d'être « en harmonie avec le vaste paysage horizontal du marais, unique en son genre ». L'agence d'architecture lauréate Dorte Mandrup, basée à Copenhague, envisage de faire « surgir le centre telle une île » et de « composer un nouveau complexe qui évoque les fermes locales, mais d'une échelle plus grande et par une architecture plus surréaliste ».
Le point de départ est un ensemble de deux bâtiments formant un U, dont l’un est en L. Une configuration courante dans cet environnement soumis à de forts vents. Dans ces trois ailes se répartissent un accueil, un café, une salle d’exposition et d’autres dédiées à l’éducation après observation sur site. Le nouveau programme amplifie les surfaces pour chacune de ces fonctionnalités. Le budget étant limité, il convient de réinvestir au mieux les volumes présents et d’en perpétuer les usages. Partant, la charpente métallique est maintenue et laissée apparente, tandis que les remplissages en brique sont, par endroits, déposés pour la création de nouvelles ouvertures. L’agrandissement abritant les salles d’exposition reprend le système d’ossature acier, cette fois remplie par des panneaux de bois isolants préfabriqués. Cette option a l’avantage d’éviter les poutres et de dégager de généreux espaces intérieurs. À ce stade de la conception, le travail s’est fait en étroite collaboration avec les équipes en charge de la muséographie et de l’éclairage. La nouvelle composition contenant les sept salles d’exposition vient enrober l’existant et le prolonge par une nouvelle aile. En résulte un jardin intra-muros, un lieu paysager traité comme une toundra, qui protège encore mieux des intempéries, par lequel on accède à un nouvel édifice – le seul à ossature bois –, entièrement réservé aux animations pédagogiques. Cet ajout offre à l’architecte toute latitude pour travailler sur les proportions de l’édifice dans son décor, l’intégrer à l’horizon malgré l’augmentation de sa superficie, mais aussi répondre à l’aspect fonctionnel en créant un flux de circulation continu, matérialisé au-dehors par une plateforme en mélèze dissociée du sol, comme pour le préserver.
Afin de « donner du caractère à ce bâtiment relativement anonyme », Dorte Mandrup couvre les extensions de chaume, en toiture et en façade, insistant par-là sur sa matérialité et sa masse. Cette référence directe à l’habitat des Vikings s’appuie sur un savoir-faire qui s’est perpétué et connaît un regain d’intérêt dans le pays grâce aux avancées techniques en matière de pose et de prévention contre l’incendie. Le Danemark recense aujourd’hui plus de 200 entreprises et 400 artisans chaumiers, contre la moitié en France. Ce choix répond également à l’économie du projet puisque, moins dense qu’une couverture traditionnelle, le chaume autorise une charpente plus légère. 2600 mètres carrés, soit 25000 bottes de roseau récolté localement, sont posés puis sculptés. Dans un souci d’uniformisation, l’enveloppe des parties reconverties est traitée avec un bardage en robinier de Pologne, une essence naturellement de classe 4, qui ne nécessite aucun traitement chimique. Très nerveux, ce bois a imposé de fines sections, évoquant les tiges de roseau.
En contraste avec l’esthétique brute du bois et du chaume et « pour laisser la scénographie s’exprimer, le traitement des intérieurs est plus abstrait », décrit Dorte Mandrup.
Dans les salles d’exposition consacrées au cycle de migration des oiseaux et à l’écosystème de l’estran, « la relation avec l’extérieur est conservée, même s’il est plus difficile de garder le contrôle de la lumière naturelle », poursuit l’architecte. L’apport en luminosité par les verrières en toiture, vastes baies ou bandeaux vitrés au ras du sol est équilibré par l’éclairage artificiel, des projecteurs réalisés sur-mesure qui reproduisent, grâce à des filtres, les couleurs pastel du ciel environnant.
Après ce premier opus, l’agence a remporté les concours portant sur deux nouveaux centres, aux Pays-Bas et en Allemagne. Elle écrit ainsi sa Wadden Sea trilogy. Livraisons de ces variations urbaines prévues respectivement en 2020 et 2021.
► Retrouvez l'article complet et plans, coupes, détails dans exé 38 : Espaces culturels
FICHE TECHNIQUE
PROGRAMME Construction d'un centre culturel et pédagogique
LOCALISATION Esbjerg, Danemark
ANNÉE 2017
ARCHITECTE Dorte Mandrup
MAÎTRISE D'OUVRAGE Ville d'Esbjerg
PAYSAGISTE Marianne Levinsen Landskab
PROGRAMME Rénovation et extension d'un centre culturel et pédagogique
SURFACE NETTE 2 800 m²
LIVRAISON Février 2017
BUREAU D'ÉTUDE
TCE Steensen Varming, Anders Christensen
ENTREPRISES
CHAUME Tækkemand Kim Andersen, Tækkemand Arne Klüwer et Hemmed Tækkefirma
GÉNÉRALEBo Michelsen
PLOMBERIE CWR
VENTILATION Airteam
TERRASSEMENT Mads Vejrup
ÉLECTRICITÉ Eltek Vest
PEINTURE Tjæreborg Malerforretning
STRUCTURE ACIER Vollerup Smedeland
BARDAGE CASSETTE Taasinge
COUVERTURE Syddansk dansk
FOURNISSEURS PRINCIPAUX
MENUISERIE EXTÉRIEURE Krone Vinduer
PLÂTRERIE Ydinggaard
PORTE COULISSANTE Madsen Vinduer & Døre
PORTE INTÉRIEURE Swedoor & Multitek
PORTE COULISSANTE INTÉRIEURE Skydoor
PORTE COULISSANTE VITRÉE Tormax
CUISINE Brønum Køkkener
DALLE BÉTON Areo og Burcharth
PLAFOND SUSPENDU Ecophon
ROBINIER Starup Øko-Træ
FENÊTRE DE TOIT Alux