Compagnie locale telle qu'il en existait aussi en France avant 1946, l'AET prend en charge la distribution et la production d'électricité, assurée par six barrages. La compagnie souhaitait rassembler ses employés sur un site unique, une parcelle en entrée de ville délimitée par des réseaux routiers. « Nous sommes dans un lieu hétérogène, une zone industrielle de Monte Carasso entièrement organisée par l'infrastructure qui a dicté la logique d'implantation. L'orientation du bâtiment n'est pas faite en fonction du bâti alentour, mais se réfère à la grande topographie, l'autoroute, le fleuve voisin et l'infrastructure électrique » détaille Ira Piattini, associée de l'agence Meyer/Piattini.
Le nouveau siège reflète et prolonge la rudesse du contexte : une grille de béton brut de 1,50 mètres délimitant un volume parallélépipédique de 50 mètres par 15.
Lors du concours, cet élément était complété d'une tour qui lui faisait pendant. Une forme verticale qui devait assurer la transition avec le grand paysage des montagnes, une piste pour une deuxième phase d'extension dont la réalisation n'est pour l'instant pas envisagée par le maître d'ouvrage. Tour et barre partagent une grille empruntée à l'architecture rationaliste de l'entre-deux-guerres. Les architectes font explicitement référence à l'édifice de l'ULI, (Unione Lavoratori dell'Industria), dessiné en 1938 par Cesare Cattaneo, Pietro Lingeri et Luigi Origoni à Côme en Italie.
Dans ce coin de la Suisse italienne, le béton brut ne renvoie pas uniquement aux ouvrages d'art. L'action de Luigi Snozzi à Monte Carasso depuis la fin des années 1970, en a fait quasiment le matériau de base de l'architecture vernaculaire contemporaine, utilisé pour construire aussi bien les bâtiments publics que privés. L'aspect radical de l'AET n'est donc pas si exceptionnel dans le contexte local, sa carapace de béton établissant finalement un lien entre industrie et architecture domestique. Cependant, depuis les premières interventions de Snozzi, les réglementations en matière d'énergie ont considérablement évolué. Pour éviter les ponts thermiques, les architectes ont dû dissocier façades et planchers. La structure est duale : deux ossatures béton verticales connectées par des poutres horizontales, formant un U inversé intégrant dans sa partie supérieure les suspentes en acier portant les nez de plancher. Un noyau de circulation en béton et une file de poteaux au centre des plateaux de bureau complètent la structure porteuse des plateaux de bureaux. Pour la mise en œuvre, les architectes ont préféré les techniques de coulage en place aux solutions préfabriquées :
« nous voulions vraiment donner l'idée d'une surface percée d'ouvertures, plutôt que l'idée d'une ossature » poursuit Ira Piattini tout en soulignant une ambiguïté volontaire du projet : « vue de côté, le bâtiment apparaît comme un bloc minéral, qui devient transparent dès qu'on l'aborde de face ».
L'écartement des éléments porteurs verticaux correspond à un optimum de flexibilité pour l'aménagement des bureaux. Les rares percements des pignons échappent à la rigueur de la trame pour prendre une forme libre : une référence à Lina Bo Bardi et aux percements du centre culturel SESC Pompéia à Sao Paulo.
En tant qu'acteur du secteur de l'énergie, l'AET a voulu construire un bâtiment exemplaire du point de vue de la consommation énergétique. Pour cela, il a fallu faire bien plus que supprimer les ponts thermiques, et multiplier les dispositifs. Aucune place de stationnement n'a été prévue sur le site, que ce soit en surface ou en sous-sol. Une navette conduit les 228 employés vers un parking relais de Bellinzona ou à une station de transport en commun. La déconnexion plancher-façade permet d'atteindre un U=0,10 W/m2K sur les parois vitrées et un Ug=0, 50 W/m2K pour la toiture-terrasse. Une partie de l'énergie thermique provient d'un forage dans la nappe phréatique. Elle est diffusée sur les 3 000 mètres carrés de bureaux par le biais de plafond rayonnant basse température assurant le confort d'été et d'hiver. Réalisés en béton perforé, les panneaux rayonnants mobilisent en partie la masse des plafonds béton, dont la sous-face est laissée visible. L'accumulation d'une partie de la chaleur dans les planchers lisse la consommation énergétique lorsque la demande atteint un pic. À cet équipement vient s'ajouter une centrale de panneaux solaires photovoltaïques installés en toiture, produisant une énergie totale de 56,9 kWp.
L'ensemble rend l'édifice quasiment autosuffisant sur le plan énergétique. Une performance, qui a valu au nouveau siège la certification Minergie A-Eco.
Au-delà de l'étiquette énergie, il faut aussi saluer l'ambition architecturale du maître d'ouvrage, qui renoue avec une tradition d'architecture quasiment inédite depuis la construction des centrales de Piero Portaluppi pendant l'entre-deux-guerres. Portée par différentes problématiques environnementales et économiques, l'architecture de l'énergie serait-elle à l'aube d'un renouveau ?
Le bâtiment est une épure structurelle parfaitement lisible car dénué de finitions superflues. Couverture et dalles sont ainsi suspendues par des tirants à des portiques en béton armé qui forment une grille abstraite en avant de l'enveloppe thermique. Ainsi, les plateaux sont libres, les ponts thermiques réduits au minimum, les surfaces vitrées sont maximales et le volume chauffé en retrait de la grille est presque imperceptible depuis l'extérieur.
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FICHE TECHNIQUE
♦ LOCALISATION Monte Carasso, Suisse
♦ ANNÉE 2015
♦ ARCHITECTE Meyer e Piattini Architetti avec Francesco Fallavollita
♦ COLLABORATEURS Barbara Corbella, Marcello Stabile
♦ MAÎTRISE D'OUVRAGE Azienda Elettrica Ticinese
♦ PROGRAMME Construction d'un bâtiment de bureaux pour la société publique d'électricité du Tessin
♦ CONCOURS 2011
♦ ÉTUDES Juillet 2011 à octobre 2012
♦ CHANTIER Novembre 2012 à février 2015
BUREAUX D'ÉTUDES
TCE Reali e Guscetti (première phase), Tajana & Partners (seconde phase)
ÉCONOMIE IFEC Consulenze SA (première phase), Rigozzi Engineering SA, Erisel SA (seconde phase)
ÉLECTRICITÉ More Engineering SA (première phase), Erisel SA (seconde phase)
FAÇADE Patocchi Sagl (seconde phase)
ENVIRONNEMENT Dionea SA (seconde phase)
ENTREPRISES
GÉNÉRALE Bossi e Bersani SA
ÉLECTRICITÉ Alpiq in Tec Ticino SA
PLOMBERIE T.I.C casa sagl
ASCENSEUR Elettricità Falconi SA
ÉTANCHÉITÉ Sitaf Isolazioni SA
MENUISERIE EXTÉRIEURE Fratelli Gut SA
PEINTURE G. Spaggiari SA, Monighetti SA
SOL Cogesa SA
REVÊTEMENT MURAL Bazzana SA
PLÂTRERIE Futuredil sagl
RÉSINE Risatec SA
CONSTRUCTION MÉTALLIQUE Maturi e Sampietro SA
PLANCHER TECHNIQUE Di Marco sagl
BÉTON PRÉFABRIQUÉ Capoferri SA
SERRURERIE Vitrocsa SA
MENUISERIE Binda SA
CLOISON VITRÉE CPR SA
SOL EXTÉRIEUR Mancini & Marti SA
JARDIN Giardini Perri sagl
FOURNISSEUR
MOBILIER Sara SA