Conçu avec rigueur et générosité par Dietrich-Untertrifaller Architekten associés à Colas-Durand architectes, il est seul au milieu des champs. Avec l’entendement pour étendard, sa vérité constructive et sa rationalité sont un manifeste sensé, et prévenant, en regard de la nature environnante. Le paysage agricole de Broons s’étend à perte de vue entre champs, collines et rangées d’arbres. Il a cette poésie de l’espace patiemment et partiellement façonné par l’homme, mais loin de tout asservissement. C’est cette cohérence, cette attention qui semble animer le nouveau collège Jean-Monnet, livré par l’association austro-costarmoricaine constituée des agences Dietrich-Untertrifaller Architekten et Colas-Durand architectes.
Située dans le département des Côtes-d’Armor, à mi-chemin entre Rennes et Saint-Brieuc, cette commune d’à peine 3 000 habitants, irriguée par trois rivières, est scindée en deux par la nationale 12, au sud de laquelle elle s’est développée. Son collège vieillissant, typique des années 1970 avec ses panneaux de façade en béton préfabriqué, occupe un site très complexe. Plus économique qu’une rénovation, la construction d’un nouvel établissement dans le nord-ouest de la ville est décidée en 2012, sur un terrain presque en dehors du bourg. En implantant leur bâtiment tout en longueur au niveau bas de cette parcelle en pente, perpendiculaire à la route, les concepteurs font un choix tout en retenue, mais déterminé. Présentant une façade sud très ouverte et dessinée vers le centre-ville, ils imaginent une frontalité urbaine à part entière malgré la distance, une contiguïté sensible entre espace construit et surface rurale. Face à elle, la cour paysagée remonte la dénivelée, protégée des vents dominants par la salle de restauration à l’ouest, elle-même enchâssée dans le sol, tandis que le parking est installé au nord. Le parvis largement dimensionné est généré et abrité par l’angle sud-est du volume supérieur, en partie soulevé par deux poteaux métalliques en V, sous lequel passent chaque jour les quelque 600 élèves de ce collège de 5 200 mètres carrés.
Parce qu’il est constitué de trois niveaux, l’édifice est compact et donc inondé de lumière naturelle, doté de larges circulations, animé de multiples connexions visuelles et spatiales. Tout en linéarité en regard du site qui le reçoit, il est a contrario très vertical dans son organisation interne. Structurant et fondateur, le hall est toute hauteur jusqu’aux verrières zénithales de la toiture, rendu presque vertigineux par les noyaux en béton brut ininterrompus qui le partitionnent. Il est traversé dans les deux directions par des passerelles en quinconce qui desservent les classes situées au premier et second étage. Au rez-de-chaussée, administration, vie scolaire et pôle santé se succèdent avant l’accès au préau et à la restauration. C’est en superposant les fonctions et donc en minimisant l’emprise au sol que les architectes ont pu faire entrer la lumière aussi profondément, de part en part ; elle est omniprésente. Permettant par là même moult vues vers le paysage proche et lointain : depuis les circulations à travers les classes dont les parois intérieures sont dotées de châssis vitrés, à travers les serres solaires qui scandent au sud les deux niveaux supérieurs, et à travers les vastes baies qui composent les façades latérales. Depuis leur bureau, les collégiens peuvent aussi apprécier l’horizon, les grands bâtis en aluminium ménageant en partie basse une fenêtre oscillo-battante qui n’est jamais occultée, car protégée par une tablette en bois.
Référence sensible aux matériaux locaux, le rez-de-chaussée en béton est en partie revêtu de pierre. Le socle ainsi généré permet de soulever le volume principal en bois où sont logées toutes les salles d’enseignement, sur deux étages. Originaire du Vorarlberg, région autrichienne pionnière de l’architecture durable et de l’autonomie énergétique, Much Untertrifaller importe ici, en plein cœur de la Bretagne pastorale, les principes fondateurs de la construction passive. Et, en dehors de la compacité du volume, du renforcement de l’isolation et de l’optimisation de l’orientation, le bois est bien entendu l’autre élément fondateur et structurant du projet. Il en traverse l’ensemble, du gros œuvre aux finitions, suivant les mêmes grands principes énoncés plus haut : linéarité, continuité et confort. Le système constructif principal est composé de portiques, de murs, de caissons et de planchers préfabriqués en atelier. Les assemblages sont ici d’une précision remarquable, et c’est fort heureux, tant ils participent de l’ambiance des lieux. Dans l’axe est-ouest, des passerelles composées de poutres contrecollées formant rambardes sont interrompues par des liaisons transversales dont les poutres en lamellé-collé supportent un garde-corps, cette fois-ci métallique à barreaudage. La continuité physique et visuelle est ainsi générée avec dynamisme, d’un étage à l’autre, d’une fonction à l’autre. Comme elle l’est de l’intérieur vers l’extérieur à travers un bardage horizontal dont seules les essences diffèrent, bien que toutes deux locales. Tandis que le Douglas a été choisi pour l’enveloppe, c’est l’épicéa de Sitka qui revêt les sous-faces ainsi que les cloisons qui font face aux noyaux de circulation en béton brut. Ces deux essences originaires d’Amérique du Nord ont été introduites massivement dans la région et se plaisent dans ce climat océanique breton.
Absolument dessiné et construit, le collège Jean-Monnet s’impose avec considération dans ce paysage infini dont il devient alors un élément fondamental.