Lorsque Charles de Gaulle et André Malraux inaugurent la « Maison ronde » en ce 14 décembre 1963, c’est un immense cylindre de 500 mètres de circonférence et sa tour de 68 mètres, conçus par Henry Bernard (1912-1994), premier grand prix de Rome, qu’ils applaudissent. Mille bureaux, 61 studios d’enregistrement, des kilomètres de couloirs, des boutiques et même une banque, cet outil moderne et productif accueille alors la RTF, Radiodiffusion-télévision française, devenue par la suite l’ORTF. Actuellement c’est Radio France, créée en 1975, qui occupe ces milliers de mètres carrés, avec ses huit radios dont FIP et Le mouv’, Arte France, des services de musique en ligne et d’organisation de festivals, ainsi que cinq formations musicales de type orchestres et chœurs. Afin de doter ces derniers d’un outil de travail et de représentation digne de ce nom, il a donc été décidé la construction d’une nouvelle salle symphonique de 1 460 fauteuils pour remplacer les vieillissants studios 102 et 103. Elle trouve sa place à l’arrière du grandiose foyer rénové, tout en transparence, sur l’avenue du Président-Kennedy, face à la Seine. En relation directe avec l’entrée principale et la nouvelle galerie qui rejoint l’agora centrale et permet de traverser l’ensemble de part en part, en passant sous la tour.
Des deux espaces originels ne subsiste qu’une partie de l’enveloppe et du radier. Tandis que la première a été développée selon le concept de « boîte dans la boîte » avec la mise en œuvre d’une double enceinte en béton armé, voiles coulés en place et prémurs, sans contact, le second a vu son étanchéité reconstituée et sa surface complétée de nouvelles dalles dissociées sur longrines et boîtes à ressort. Tout l’enjeu résidant bien entendu dans l’isolation acoustique et vibratoire de l’ensemble. Restait à le couvrir, toujours avec l’idée de créer des vides efficients : par une première charpente métallique intérieure, reposant sur l’enveloppe interne et intégrant des prédalles autoportantes en sous face et à laquelle sont suspendus le gril et tout l’habillage bois ; et une deuxième, extérieure et bombée, dont l’ossature décalée porte sur les voiles externes et qui soutient le revêtement de toiture constitué d’éléments également bombés et clavetés entre eux. Cette carapace n’étant visible que depuis l’intérieur de la Maison de la radio puisque son faîtage reste inférieur.
Accessible depuis le monumental foyer qui fait face à la scène, il faut ensuite traverser les sas acoustiques avant d’atteindre les déambulatoires feutrés qui offrent différents points de vue éphémères et ponctuels sur celle qui a fait l’objet de toutes les attentions, la salle symphonique de bois entièrement revêtue. Secondés par l’acousticien Yasu Toyota de Nagata Acoustics, les architectes d’AS n’ont eu de cesse de rechercher la géométrie et la spatialité garantissant le meilleur rendu acoustique possible. Et lorsque le discret son de l’archer se posant sur les cordes parvient jusqu’aux sièges les plus élevés, l’objectif, a priori, a été atteint. Chaque instrument composant un orchestre existe au sein de la formation, et même pour une oreille béotienne, la clarté sonore ne peut qu’émouvoir. Suivant le principe d’une salle verticale, les balcons fragmentés en corbeille se superposent et encerclent une scène de 22 mètres de largeur sur 15 mètres de profondeur. Constituée de 18 plateaux élévateurs, celle-ci peut accueillir jusqu’à 120 musiciens selon différentes configurations. Hêtre, bouleau et merisier constituent l’ensemble du revêtement homogène dont la modénature et l’assemblage forment des surfaces efficientes, au-delà de leur indéniable qualité esthétique. Les parois du fond, composées d’éléments courbes, permettent d’éviter les surfaces parallèles propices aux échos et, secondées par les marqueteries qui habillent les potences métalliques des gradins, sont autant de surfaces réverbérantes qui diffusent le son dans la totalité du volume avec justesse. Dispositif complété par un sublime plafond fait d’une canopée de 145 mètres carrés et de pans de bois parallélépipédiques se chevauchant avec dynamisme et venant parfaire le caractère véritablement enveloppant de la salle. Attention et regard des auditeurs se concentrent alors vers le centre, le chœur et la musique. Également doté d’un orgue monumental de 500 tuyaux (30 tonnes) conçu par Gerhard Grenzing, le Grand Auditorium de Radio France, inauguré en novembre 2014, est un outil aussi beau et technique que les instruments de musique qui l’animent.