ENTRETIEN AVEC HERVÉ POTIN - Architecte associé de Guinée * Potin
L'obtention du label passif était un objectif du concours pour cette opération de logements ; comment cela a-t-il influencé votre processus de conception et la collaboration entre les différents acteurs du projet ?
Le cahier des charges imposé par Nantes Métropole et l'urbaniste stipulait les objectifs passifs, mais avec un plan d'aménagement pas forcément compatible. Le site vallonné est idéalement orienté, mais le plan prévoyait des plots fragmentés. Nous avons donc pris le risque de ne pas répondre exactement à ce que prévoyait l'urbaniste, en proposant un projet plus compact, en barrettes, au regard des objectifs environnementaux mais aussi des questions de coûts. Ensuite, nous nous sommes toujours intéressés à ce qui se passe dans le Vorarlberg, notamment au travail de Hermann Kaufmann à Bregenz et Dornbirn, et à la distribution en coursives. Au fil des différentes réunions avec notre maître d'ouvrage et nos bureaux d'études, nous avons développé ce projet en barrettes, dans lequel les logements sont distribués par coursives au nord et dotés de grandes terrasses au sud. La forme idéale pour atteindre ces objectifs de labellisation.
Aviez-vous une formation initiale quant aux moyens d'atteindre ces objectifs ?
Non, nous n'avons pas suivi de formation particulière, il s'agit plutôt d'être empirique et autodidacte, en étudiant ce qui se faisait en Autriche, en lisant beaucoup, notamment le magazine Ecologik et l'ouvrage de Dominique Gauzin-Müller sur le Vorarlberg, qui comporte des éléments techniques sur la composition des parois, des vitrages…
Comment intégrez-vous les objectifs de performances énergétiques élevés à vos études de conception ?
Nous précisons au fur et à mesure, mais nous anticipons aussi des compositions de parois types, puis au fil de l'eau, en échangeant avec les ingénieurs structure et thermique. Nous pensions faire du tout-bois, au début, mais pour des questions d'inertie et de coûts, la solution mixte bois-béton s'est vite imposée, avec des dalles et des refends béton complétés d'un mur-manteau en bois sur toute la périphérie.
L'épaisseur de l'enveloppe a-t-elle une incidence sur la dimension des logements ? Et de façon plus générale, la norme passive a-t-elle une influence sur la typologie des logements ?
On travaille de l'intérieur vers l'extérieur, donc les surfaces et les typologies ne sont pas impactées par l'épaisseur du manteau. Par contre, l'idée de travailler sur des logements traversants nord-sud, dont les parties nuit et jour sont parallèles dans le grand axe, est clairement une réponse aux objectifs passifs. Cet argument nous ayant d'ailleurs permis de convaincre notre maître d'ouvrage de l'intérêt des logements à coursives, qui sont rarement plébiscités par les MO, publics ou privés. Quand le thermicien impose de n'isoler que les parties chauffées, et donc de désolidariser les parties communes, forcément c'est plus intéressant pour nous qui devons concevoir ces systèmes de coursives avec des usages différents.
L'obtention du label n'est-elle qu'une question de mise en œuvre et d'équipements ?
Non, il y a bien entendu une question d'orientation des logements afin de profiter au maximum des apports solaires directs. Ensuite, l'idée de n'isoler que les parties chauffées nous guide vers des parcours d'accès aux logements différents et qualitatifs, surtout dans un paysage tel que celui-ci. Ce n'est pas qu'une question technique, c'est aussi de l'intelligence dans l'implantation et les usages.
Compacité, étanchéité, surfaces vitrées maîtrisées, épaisseurs, éradication des ponts thermiques… Les contraintes techniques induites par le label passif sont-elles des freins à la créativité architecturale ?
Je vais être ambigu, mais cela est parfois un frein ; les stéréotypes sont lisibles dans la production de logements passifs, nous assumons complètement cette référence au Vorarlberg. Mais c'est aussi un moteur dans le sens où cela oblige à un travail plus complexe et précis sur l'enveloppe ; au même titre qu'un couturier, nous sommes obligés de faire preuve de finesse pour sortir de ces stéréotypes.
La norme passive vise à produire des bâtiments aux consommations énergétiques les plus basses possible, voire nulles. N'est-ce pas finalement un objectif que tout bâtiment devrait atteindre, labellisé passif ou pas ?
Oui évidemment, je ne vais pas vous contredire. La démarche se doit d'être globale et holistique, pour reprendre les termes de Dominique Gauzin-Müller. Il y a des précurseurs qui n'ont jamais été labellisés ; je pense à Alvar Aalto, par exemple, qui était déjà dans cette démarche vers plus de confort et de bon sens au regard du contexte.
Quel est votre sentiment au sujet des nombreux labels existants et à venir ?
Il est vrai que cela devient compliqué, certaines annonces de concours demandent déjà des références labellisées alors que rien n'est encore construit. Le choc de simplification déclaré se retrouve en fait être un véritable millefeuille. Nous n'avons en plus pas toujours le temps ni la possibilité de nous former. Heureusement, il existe de bons bureaux d'études, je pense à Pouget et à Tribu par exemple, avec qui nous collaborons de façon plus rapprochée finalement. Il y a vingt ans, nous faisions les projets et eux devaient se débrouiller ; aujourd'hui, nous travaillons ensemble plus tôt dans le processus.
Entretien paru dans exé 31 : Structure bois