ENTRETIEN AVEC CHRISTELLE AVENIER
Architecte associée d'Avenier Cornejo architectes
Dans le cas de la construction neuve, la question de l'ITE ne semble même plus se poser aujourd'hui ; avez-vous ce sentiment ?
Oui et non. Oui avec les bailleurs sociaux parisiens, car, aux points de vue technique et thermique, il s'agit de la meilleure solution ; et non avec la promotion, et peut-être avec des bailleurs de régions dotées de moins de moyens, car l'isolation thermique par l'intérieur reste moins onéreuse. Parce que l'ITE nécessite un bardage, représentant un coût supplémentaire. En ITI, nous pouvons assumer la façade constructive avec enduit ou laisser le béton apparent ; on se dispense alors du bardage. Dans le cas des bailleurs parisiens, l'ITE est effectivement une évidence, mais je pense que c'est aller dans le bon sens car c'est une bonne solution. Par exemple, nous pouvons gérer tous les ponts thermiques.
N'y a-t-il pas un risque de standardisation à voir cette ITE autant mise en œuvre, dans les ZAC récentes notamment ?
Personnellement, je ne vois pas de standardisation dans les ZAC. J'ai en tête Clichy-Batignolles, par exemple, dont nous pourrions carrément dire l'inverse : les matières et les couleurs sont toutes différentes. Peut-être est-ce le cas dans les ZAC dont la réglementation est draconienne, mais c'est vrai que, sur Paris, je trouve que l'on rencontre beaucoup de liberté au niveau des matières. Comme sur la ZAC Rive Gauche, où, malgré une grande présence du métal, nous observons une vraie richesse. Ensuite, peut-être qu'en régions, bénéficiant de moins de moyens, la standardisation est plus visible, mais c'est souvent un enduit sur maçonnerie avec ITI, et non une ITE.
De manière générale, comment abordez-vous le sujet de l'enveloppe ?
Pour nous, c'est un aboutissement. Nous commençons par l'intérieur, par les plans, puis l'enveloppe est une continuité de l'intérieur, une révélation. C'est là où nous mettons un point final au projet. Bien sûr, nous travaillons tout en même temps, mais l'enveloppe reste une finalité. Au début des études, nous avons des envies, mais elles se précisent à la toute fin. Nous travaillons le plan, que nous retournons ensuite pour terminer le bâtiment ; les deux sont extrêmement liés. C'est le plan qui passe à la verticale. Il y a une logique entre les deux, ils doivent être indissociables.
Pour cette opération parisienne, comment s'est fait le choix de la brique pleine ?
Nous considérons que c'est un matériau noble, avec une finition pérenne, qui a une histoire parisienne. Elle est présente sur tout le pourtour de Paris, intra-muros également. Un des mitoyens est un bâtiment en brique de la Régie Immobilière de la Ville de Paris. Par le biais ce matériau, nous pouvons jouer avec des dessins de façade ; ici, il est constructif puisqu'il suit la trame structurelle, ainsi qu'une modénature entre les trames. Aux derniers étages, nous avons également pu utiliser de la brique émaillée bleue, faisant écho aux dessins de la mairie juste en face. La brique nous permet d'atteindre ce niveau de détail figuratif ou structurel. Nous pouvons jouer sur différents plans de matériaux grâce à son épaisseur. Ce type de dessin est évidemment possible en briquette de parement, mais l'épaisseur de la pleine confère davantage de richesse et facilite la construction par sa stabilité.
Cette mise en œuvre a sûrement pesé sur le budget global ; comment l'équilibre a-t-il été atteint ?
Dans Paris, on ne dispose généralement que de deux façades puisque nous nous trouvons entre deux mitoyens ; la façade étant ce qui coûte le plus cher dans un bâtiment, nous avons, dès le départ, une petite économie. Ensuite, pour cette opération, la brique n'est employée que sur rue, la façade sur jardin étant en panneaux métalliques perforés. C'est la façade la plus ensoleillée, donc ces panneaux sont l'occasion de la faire vibrer et de la fermer à l'envi. Nous avons fait le choix de placer les chambres sur rue et les salons sur jardin côté sud, avec loggias et balcons. Les panneaux ferment ces loggias, il était plus logique de gérer un système mobile.
Il existe donc un fort contraste entre les deux matérialités des deux façades.
Tout à fait. Sur jardin, la façade est lisse et satinée, mais elle vibre car 50 % des panneaux sont mobiles ; elle est donc moins statique que celle en brique. Sur rue, ce sont les ombres qui la font vibrer, entre les différents plans.
Ce travail de dessin remet-il l'ornementation au premier rang ?
En fait, cela nous donne une excuse puisque, auparavant, un immeuble classique ne demandait pas vraiment ce travail. Mais, aujourd'hui, le fait de devoir adjoindre une matière sur l'isolant nous fournit l'opportunité d'apporter de la subtilité, des jeux, d'exploiter les qualités des matériaux. Comme la brique, qui nous offre le moyen de jouer avec la lumière, et le métal qui se met en scène avec les perforations…
Finalement, l'ITE est pour vous un champ exploratoire ?
Oui, c'est ce que j'ai pu observer jusqu'à aujourd'hui. Elle a ouvert un champ des possibles, avec des matériaux qui reviennent sur le devant, comme la brique et le métal. Le fait de devoir protéger l'isolation nous oblige à explorer de nouvelles solutions.
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