Holmenkollen, c’est d’abord, dans l’imaginaire des Norvégiens, l’un des plus vieux tremplins de saut à ski au monde. Depuis plus d’un siècle s’y succèdent les compétitions d’envergure. À l’approche du Championnat du monde de ski nordique qui allait s’y tenir en 2011, le site, abritant le presque centenaire musée du ski, fut réaménagé avec stade, stand de tir et tremplin spectaculaire conçu par JDS architects. En contrebas, la gare a conservé son aspect champêtre malgré la densification du tissu résidentiel. Construite à l’origine pour le tramway, elle accueille la plus ancienne ligne du réseau métropolitain d’Oslo, le T-bane. Le changement dès lors s’impose. Il faut supprimer la courbe actuelle des rails et élargir les voies ; allonger les deux plateformes pour accueillir des trains de six voitures, soit 8 500 personnes par heure ; créer de vastes rampes pour canaliser les flux, ainsi qu’un nouveau pont reliant les deux côtés. L’agence RRA se distingue lors du concours par la générosité des espaces proposés, malgré l’étroitesse du site, ainsi que par son traitement du flanc sud-est, intégrant un nouvel accès. Un escalier permet ainsi d’atteindre le premier quai, dix mètres plus haut, le second via un tunnel qui passe sous les voies. Chaque plateforme se prolonge par une mince rampe d’accès universel, tout en se dédoublant en une plus large conduisant vers le pont. L’espace se dilate alors de part et d’autre, comme pour mieux épouser d’un côté la courbe du coteau, de l’autre la vue, et retrouver sa dimension publique. Et ce, sans s’opposer à la nature environnante, elle-même espace public à part entière, chaque jour moins distincte de la ville. Une conception proprement norvégienne, aujourd’hui stimulée par les nouvelles mobilités.
Mais il y a cette maisonnette en bois, peinte en rouge, un bâtiment classé datant de 1916 conçu par l’architecte Erik Glosimodt. Sa position étant difficilement compatible avec la modernisation de la station, elle n’apparaît pas sur les plans à l’issue du concours. L’édifice est réintégré a posteriori, à la demande de la direction du patrimoine. Porté par des poutres en acier glissées sous le plancher, il est déplacé et posé sur une plateforme artificielle, une extension à l’envers, ancrée sur le coteau. Une idée de RRA qui provoqua quelques remous dans le voisinage de cette banlieue cossue, la vue plongeante de certains résidents disparaissant avec le changement du vis-à-vis. Destinés à l’accueil d’un restaurant, les deux étages inférieur et supérieur sont connectés par un même escalier. Le retrait des poteaux permet de libérer totalement la nouvelle façade, les bandeaux de béton délimitant des vues panoramiques. Les baies vitrées dépourvues de cadre sont jointes bord à bord, sur le même plan que la partie opaque. Le verre, recouvert d’une couche d’oxyde de titane, est autonettoyant grâce à ses propriétés photocatalytique et hydrophile. À l’extérieur, le premier niveau vient se raccrocher aux marches montant au quai par une passerelle faisant office de terrasse. Un ascenseur est imaginé, greffé sur le mur de soutènement, pour permettre notamment l’approvisionnement. Mais il ne sera jamais réalisé. Tardifs, complexes, certains éléments n’ont pas été prévus dans le budget originel, celui d’une simple station. L’intérieur du bâtiment est donc une coquille vide, pas tout à fait finie. Reste l’image. Le toit à deux pentes, les carreaux des fenêtres et la cheminée. Pas seulement la Norvège iconique. Un archétype de maison, une idée du foyer. Qui réchauffe sans nul doute les esprits des passagers, à défaut de les accueillir en son sein.
RRA a déjà réalisé deux stations de métro avec KTP, la régie municipale des transports publics d’Oslo. Le projet Holmenkollen résulte d’une approche conceptuelle plus large, urban nature, qui vise à définir un nouveau standard de métro tout en soulignant l’identité particulière de la ville, entre fjord et forêt. À commencer par le mobilier, conçu avec le designer Odd Thorsen. Les lampadaires à double branche étaient déjà présents sur les quais de la station Ullernasen, ainsi que les abris dont la toiture en verre remplace exceptionnellement celle en tôle. Le béton est, quant à lui, une réponse à la rudesse du climat. Coulé en place, il donne l’illusion d’espaces creusés dans le rocher. Sa texture alterne entre les surfaces naturellement striées du béton banché et le grain du béton bouchardé. Les éléments techniques sont dissimulés sous la masse. Le tunnel, dont l’éclairage est moins codifié, est souligné de pointillés de lumière. Un système de chauffage sous les marches empêche l’accumulation de neige dans les circulations. Une neige qui redessine les volumes de la station chaque hiver. La découpe crantée de la dalle ménage ainsi des espaces pour la repousser des quais tout en permettant l’intégration de balcons embrassant le paysage. La balustrade, rêvée en verre – trop onéreux, et auquel une grille métallique se substitue –, offre la transparence voulue. Une touche de domesticité alliée à la fonctionnalité. Tournée vers un bâtiment-trait-d’union. Entre deux ères, frugalité et pétrole. Deux temps, sérénité et vélocité. Et qui, à défaut d’avoir trouvé son programme, a déjà stimulé notre imaginaire.
Article paru dans exé 25 spécial extension (sept./oct./nov.)