Croydon est une banlieue populaire au sud de Londres, à une douzaine de kilomètres de Charing Cross. Si elle fut tristement médiatisée lors des émeutes britanniques de 2011, elle reste une référence, cette fois positive, en matière d’architecture. Elle possède en effet de très beaux bâtiments de style victorien, à l’image de sa bibliothèque et de sa gare. Désormais, il faudra compter avec le groupe scolaire Whitehorse Manor, installé, comme son nom l’indique sur le site d’un ancien manoir aujourd’hui disparu. Datant elle aussi de la fin du 19e siècle, il a connu des extensions successives. Depuis les années 1950, de nouvelles constructions ont été régulièrement insérées çà et là, sans aucune réflexion d’ensemble. Éparpillée sur son site, l’institution en était devenue une aberration fonctionnelle.
Confiée en 2009 à l’architecte Nick Hayhurst, fondateur de l’agence Hayhurst and Co, sa restructuration fut dès le départ placée sous les meilleurs auspices : l’agence dynamique connaît bien ce programme, et le client, l’association Pegasus Academy Trust qui promeut une pédagogie ouverte, dispose d’un budget confortable. Le programme était simple : pour faire évoluer la capacité d’accueil de l’établissement de 420 à 630 élèves, il fallait ajouter six nouvelles classes et une garderie. Le réel challenge consistait donc à suturer l’ensemble tout en y installant une logique de circulation.
Pour donner sens à ce chaos, les concepteurs ont développé l’idée d’une « toiture sensible » basée sur la répétition de la forme du toit à deux pentes du principal bâtiment victorien hébergeant un gymnase. Ce choix a été motivé par un diagnostic réfléchi de l’existant : les destructions semblaient inutiles aux architectes, même si ceux-ci disposaient du budget nécessaire, car le gain d’emprise au sol restait insuffisant. Dans les faits, de nouvelles toitures abritant les classes, un hall d’accueil ainsi que la garderie ont donc été posées au-dessus et devant les anciennes extensions.
La partie la plus visible de l’opération concerne la façade sur rue ; laquelle regroupe désormais, de manière logique, toutes les entrées, facilitant pour les parents la récupération des enfants. Un nouveau volume, uniformément habillé de plaques faites d’un alliage de cuivre et d’aluminium joliment doré, s’étire de bord à bord entre les murs pignons des deux bâtisses de brique, dont il reprend la forme, implantées à chaque extrémité de l’îlot. Perméable en son centre, cet élément rend visibles les mouvements au cœur de l’école. Reposant sur une structure de métal, cette extension greffée sur le bâti ancien se plie légèrement, signalant ainsi la multiplicité des fonctions qu’elle abrite. Alors que cette couleur devient courante dans l’architecture en général, elle est ici porteuse de sens en matérialisant la revalorisation de ce quartier en déshérence. Tandis qu’elle symbolise la réussite scolaire pour les architectes.
En partie est, de nouvelles constructions habillées de tasseaux de bois posés comme du shingle accueillent les classes et la garderie de la maternelle. La forme de leur toiture en dents de scie est visible depuis l’intérieur et délimite des espaces protecteurs aux dimensions parfaitement ajustées aux plus petits. Hautes d’un seul niveau, elles sont en maçonnerie de brique traditionnelle supportant la structure métallique de la couverture, elle-même connectée à ses voisines victoriennes. Côté ouest, trois nouvelles classes primaires aux toitures plus larges sont posées sur des extensions des années 1980. Les élèves y accèdent par un escalier extérieur menant à une grande plateforme métallique qui fait office de classe en plein air lors des beaux jours. Les salles reposent sur le sol grâce à leurs pattes d’acier visibles devant les anciennes façades, tandis que les planchers sont en partie suspendus à la structure de la nouvelle toiture.
L’architecture est ici mise au service de la pédagogie : les classes sont vitrées sur les couloirs, eux-mêmes vitrés toute hauteur sur la cour. Pour certaines activités, il est possible de faire pivoter de larges portes sur leur axe de manière à réunir tous ces espaces en un seul, les circulations étant équipées en périphérie de tables et de chaises. Pour Jolyon Roberts, proviseur, les grands espaces répondent à un principe pédagogique : « Ils permettent moins d’interactions négatives entre les élèves ; plus la classe est grande, meilleurs sont l’apprentissage et le comportement. » Parfaite démonstration que l’école à l’ancienne, formatant les élèves dès le plus jeune âge, avec ses enfilades de salles et de couloirs clos, est définitivement d’une autre époque.
Article paru dans exé 25 spécial extension (sept./oct./nov)