Avignon ; son pont, ses remparts, son palais des Papes, son classement au patrimoine mondial de l’Unesco, parangon d’un héritage sublime, parfois sclérosant, parfois excitant. Ni l’un ni l’autre n’ont animé Berger&Berger pour l’extension-réhabilitation de la collection Lambert à Avignon. Impartiale et dénuée de tout artifice, leur proposition se résume à mettre en lumière des œuvres d’art et le lieu qui les accueille.
Yvon Lambert (1936), galeriste à Paris, a commencé sa collection dans les années 1960 ; elle représente aujourd’hui un formidable ensemble de l’histoire récente de l’art minimal, conceptuel et du land art, principalement signé par des artistes nord-américains et européens. Basquiat, Nan Goldin, Vik Muniz, Douglas Gordon ou encore Robert Ryman figurent ainsi dans son catalogue considéré comme majeur. C’est en 2000 qu’une partie est installée à Avignon, entre les murs de l’hôtel de Caumont, construit entre 1720 et 1733. Et en 2012 que le collectionneur propose la donation de quelque 550 œuvres en échange d’une extension de la surface d’exposition vers l’hôtel de Montfaucon. La Ville, propriétaire des deux édifices, désigne Berger&Berger lauréat du concours dont l’objet consistait donc à réhabiliter, à relier et à étendre l’ensemble. Les espaces d’accueil du public et les galeries sont alors rénovés et reconfigurés. Libérées de certains murs de refend grâce à la réalisation de portiques en béton, en intégralité remises en blanc, les salles sont éclairées naturellement et artificiellement. Tandis que l’interstice entre les deux bâtiments permet la construction de trois nouvelles ailes : une librairie, un atrium et une pièce de grande hauteur. Mais bien au-delà du simple remplissage, les matériaux et la lumière sont tout entiers dévoués à la fonction du lieu. Aucune fenêtre, aucun ornement ou autre encorbellement ne vient dévier les surfaces lisses et blanches de leur raison d’être ; transcender la lumière naturelle, s’abstraire du quotidien, rendre le paysage émouvant, afin que seules les œuvres importent. Les ambiances sont variées malgré cette unicité de couleur, parce que les lumières, naturelles et artificielles, le sont aussi, et que les marbres de Carrare et d’Estremoz ne les reflètent pas de façon identique. Et c’est bien cette minéralité, pérenne et véritable, qui révèle la cohérence du lieu et attise les sens.
Prisme
Mutique, le volume de l’atrium émerge dans le jardin côté boulevard Raspail, entre les deux hôtels aux façades ouvragées et aux multiples fenêtres. Faisant écho à la massivité de ces deux édifices historiques, il est finalement très aérien. Étrangement belle, son enveloppe est constituée d’une fine épaisseur de marbre d’Estremoz, montée sur un panneau en nid d’abeilles lui-même fixé, via une ossature métallique, au voile béton préfabriqué. Cette technique tout en légèreté et indécelable a permis la création d’une porte monumentale nécessaire à l’accès des œuvres les plus volumineuses. Fonctionnelle donc, mais aussi élément fondateur de la requalification d’un espace à nouveau désirable.
Outil
C’est le troisième édifice neuf construit ici. Dépassant à peine le mur d’enceinte historique rue Violette, la salle dotée d’une hauteur libre de 5,50 mètres est entièrement dédiée aux œuvres de grande échelle. Elle conclut le parcours au rez-de-chaussée de l’hôtel de Montfaucon. Deux voiles béton soutiennent une charpente composée de fermes métalliques dimensionnées pour supporter de lourdes charges. Tout cela dissimulé par un plafond à caissons, immaculé, conçu de façon à diffuser la lumière naturelle et à empêcher tout rayon direct sur les précieuses pièces. Quelques sources artificielles, elles aussi invisibles, viennent compléter l’installation. Il s’agit ici d’un outil, neutre et technique, dont le seul dessein, loin de toute mise en scène, est l’accrochage et l’éclairage optimal de formats imposants.