À deux pas des façades en torchis et des toitures à longs pans, sur la place Aristide-Briand, l’école primaire éponyme est un bâtiment rationnel et imposant, caractéristique de l’après-guerre. Mais sa restructuration et son extension sont nécessaires, afin d’accueillir sereinement ses 350 élèves. Le concours venu, la conception du nouvel édifice est un casse-tête : « On ne pouvait ni trop monter ni trop descendre », précise Lionel Debs. Contrainte due à la déclivité du terrain, d’abord. Au sol à faible portance et à la nappe phréatique élevée, ensuite. Et, pour finir, au règlement de la ville et au contexte patrimonial qui imposent des toits en pente et limitent la hauteur des bâtiments. En outre, il fallait « marquer le caractère particulier de la bâtisse existante, sans la mettre en confrontation avec l’extension ». La vêture de brique a convaincu l’architecte des bâtiments de France. Référence à certains édifices publics de la ville, notamment l’ancienne manufacture ou le château d’eau, autres facettes de l’histoire locale. Et, dernier point, « livrer impérativement en septembre 2015, sans donner dans cinquante ans l’impression d’un bâtiment fini à la va-vite ». Pérennité et efficacité. Ainsi a-t-il été défini le choix de matériaux bruts, dont les aspérités naturelles façonnent le caractère de la construction tout en étant maitrisées par les artisans locaux.
En rez-de-chaussée s’organisent les nouveaux espaces communs et surtout le vaste hall d’accueil, rotule entre les deux bâtiments. Un escalier monumental associé à un système de passerelles fait la jonction entre les étages de l’un et de l’autre, décalés d’un demi-niveau. Pas question « d’une autoroute où l’on suit le panneau ». Les normes de sécurité incendie imposaient un escalier encloisonné, mais, grâce à une dérogation, le hall complet y est désormais assimilé. Toutes les portes sont donc coupe-feu et un haut-jour fait office de désenfumage. La lisibilité accrue bénéficie ainsi à l’évacuation. Si l’escalier a été désolidarisé du mur pour que « les enfants puissent courir autour », le lieu est finalement devenu le coin lecture de l’école, « un espace suffisamment calme pour ça… ». Deux accès extérieurs se font face, l’un donnant sur la cour et l’autre sur l’arrière du bâtiment, pour les enfants qui habitent en contrebas et, le soir, les associations. Selon les architectes, l’extension se devait d’être traversante : « Un bâtiment public doit avoir cette forme de transparence, offrir une vue d’une rue à une autre et la possibilité de se repérer, de tourner autour de quelque chose qui fabrique une sensation de compréhension de l’orientation dans le territoire. » Totalement vitrée dans sa longueur, grâce aux fins poteaux calés derrière la façade-rideau, la salle polyvalente de 100 mètres carrés assume ainsi pleinement sa fonction, accueillant ponctuellement, au-delà de la kermesse de l’école, le bureau de vote et le conseil municipal. Participant à la fluidité de l’ensemble, le préau est intégré dans la volumétrie du bâtiment.
À l’étage, couloirs et classes sont surmontés de hauts-jours filants. Au-delà de l’arrivée de lumière dans les salles plus larges que profondes, ils permettent aussi la ventilation naturelle, aidés d’une station météo sur les ouvrants. Parce que « l’Alsace est une cuvette tenue entre les forêts allemandes et le massif des Vosges, l’hiver y est froid, l’été chaud », et les précautions y sont de rigueur. Le zinc prépatiné et l’isolant reposent donc sur une dalle de béton armé, ce qui contribue à réguler la température. La toiture en sheds des premières esquisses, quasi industrielle, a ainsi été peu à peu chahutée pour arriver à la découpe actuelle, « tirant le POS à l’avantage du projet ». L’intérieur de béton, robuste et facile d’entretien, est ponctué d’éléments plus chaleureux, menuiserie en hêtre huilé ou faux plafonds en laine de bois, miroir de l’enveloppe où la subtile minéralité de la brique contraste avec la teinte miel de l’imputrescible mélèze. Les fenêtres ont été travaillées pour réduire la perception des éléments de menuiserie. Des baies fixes bois-aluminium sont privilégiées, habillées d’un encadrement de mélèze à l’intérieur, d’aluminium laqué noir à l’extérieur. Dans les classes, deux grandes vitres sont réunies par des joints bord à bord, éliminant le montant intermédiaire. Les ouvrants, réduits au minimum, opaques, sont repoussés sur les côtés, et les stores intégrés à l’âme. Des caissons perforés, cachant les radiateurs, offrent des plans de travail supplémentaires.
Par la volonté des architectes d’aller au-delà du programme, la vie s’insuffle naturellement à travers tout le bâtiment jusqu’aux espaces extérieurs. La gargouille déversant les eaux de la toiture dans la cour devient ainsi ludique : « On a transformé une contrainte en outil éducatif », s’amuse Lionel Debs. À l’étage, un indispensable espace coupe-feu pour les personnes à mobilité réduite s’est transformé en une « terrasse pédagogique », en face de l’atelier. La longue rampe d’accessibilité a été conçue suffisamment ouverte et large pour devenir elle-même un terrain de jeux. Flexible, intemporel, un vent d’outre-Rhin souffle dans ce minimalisme raisonné, réveillé par chaque journée de classe : « Ils ont tous un bonnet jaune, un tee-shirt rouge, un classeur bleu ; la couleur, ce sont les enfants qui l’apportent en investissant les lieux ! »
Article paru dans exé 25 spécial extension (sept./oct./nov)