Sauver le marché
Située au cœur de la province de Santa Fe, cette ancienne colonie agricole voit son développement s’intensifier après la Première Guerre mondiale, notamment grâce à ses productions laitière et céréalière notables, son artisanat, mais également avec un nombre important de lieux culturels qui lui valent le surnom de « capitale du théâtre ».
C’est dans ce contexte qu’est construit en 1929 ce bâtiment d’inspiration italienne. Destiné à accueillir le marché, il est finalement réhabilité en terminal de bus en 1969, puis en dépôt automobile. Désaffecté depuis 2009, il se trouve pourtant en cœur de ville, à deux pas de la place du 25-Mai, ce qui en fait un élément patrimonial majeur méritant de reprendre vie, pour que l’histoire continue.
Ainsi tout naturellement les Rafaelinos se sont investis dans le projet de reconversion de l’édifice, considéré comme un lieu historique communautaire. Grâce à un processus participatif, institutions et habitants ont pu débattre et esquisser ensemble un programme qui le valorise au quotidien. Permettre la rencontre, proposer une mixité d’usages, promouvoir les produits locaux, tels furent les enjeux définis pour le futur centre culturel.
L’équipe d’architectes retenue imagine alors un projet à long terme, dont la première étape concerne la rénovation du bâtiment existant. Il accueille désormais le musée municipal des Beaux-Arts Urbano-Poggi, la bibliothèque et les archives de la ville, l’école des arts visuels Miguel-Flores, tout en maintenant les commerces présents. À l’avenir est également prévue la démolition des édifices accolés à la façade est, pour libérer une place publique autour de laquelle se développera un centre de congrès ainsi qu’un ensemble hôtel-bureaux.
Se glisser
Soucieux de conserver les qualités structurelles et esthétiques du bâtiment, les architectes ont procédé à une simple remise à neuf de l’enveloppe extérieure en pierre blanche, préférant investir l’intérieur du bâti. Le projet part alors à la reconquête d’une fluidité de l’espace, perdue au fur et à mesure de ses reconversions.
Au rez-de-chaussée, une structure massive en béton, peinte en blanc, renferme le musée et la bibliothèque, tout en s’ouvrant généreusement sur la future place publique par une paroi vitrée continue. L’ossature métallique de l’étage contraste alors par sa légèreté et dialogue avec la charpente existante en s’immisçant entre chacune de ses fermettes. La volumétrie atypique qui en résulte offre de vastes espaces modulables, qui s’étendent sur une large mezzanine où peuvent s’installer toutes formes d’ateliers. La réponse des architectes, par son écriture austère et l’usage de matériaux nobles, renvoie l’image d’une infrastructure solide, qui se veut durable et adaptable dans le temps.
Asymétrie
Conçu pour maintenir au frais les produits vendus au marché, le bâtiment s’organisait historiquement autour d’un espace central introverti, bordé par des locaux de services et de commerces qui s’ouvraient sur les rues alentour. La proposition audacieuse de l’équipe d’architectes renverse ce schéma en orientant le rez-de-chaussée et l’étage vers la future place publique, définissant ainsi une nouvelle géométrie spatiale. L’asymétrie du projet suggère alors une autre lecture du bâtiment, désormais largement ouvert à l’est. Cette relation physique et visuelle forte avec l’extérieur offre la possibilité d’étendre les activités sur la place et de participer à son dynamisme. À l’échelle de la ville, le projet global réinterprète la trame urbaine par un jeu d’angles, transformant cet îlot, autrefois compact et renfermé, en un nouveau lieu de vie ouvert, qui s’articule avec l’espace urbain environnant.